Commentaires sur « Le plein s’il vous plaît »
de J.M. Jancovici et A. Grandjean

Le Seuil, février 2006

Le sous-titre est « la solution au problème énergétique ».

 Remarques principales

 - Ce livre dresse un tableau lucide du risque climatique ; il montre également une saine circonspection devant le biocarburant tel qu’on le produit aujourd’hui, sur les possibilités de stockage de gaz carbonique et sur l’utilisation de l’hydrogène.

 - Mais il confond les perspectives d’épuisement des réserves en énergie fossile et de changement climatique, confusion fréquente qui empêche de voir clairement qui doit agir et comment.

 - Pour convaincre, il faut montrer sans fard les enjeux ; il faut aussi montrer une issue praticable sans trop de difficulté. Il est inutile de parler d’un carburant à 3 €/l si 1,8 ou 2 €/l suffit à diviser nos émissions par deux ou trois comme on montre ici. Inutile d’invoquer des changements de civilisation s’il suffit d’avoir un véhicule bi-énergie, des pompes à chaleur dans son jardin et un vélo pour aller faire ses courses, si ceux qui veulent frimer avec leur 4x4 peuvent continuer de le faire sans être désignés à la vindicte publique bien que le carburant leur coûte plus cher, si ceux qui veulent visiter leurs vieux parents peuvent continuer de prendre leur voiture et l’avion ceux qui veulent voir du pays.

 - Le livre n’aborde pas la question cruciale de savoir pourquoi la France devrait agir avant les autres alors qu’elle émet beaucoup moins de gaz carbonique. Il est plus facile de justifier cet effort de la France si le coût n’est pas inutilement élevé.

 - Le plaidoyer pour la décroissance ne me convainc absolument pas.

 - D’une façon générale, les auteurs omettent souvent de dire qui doit prendre les décisions qu’ils recommandent.


On est surpris par certaines affirmations, écrites sans doute un peu trop vite :

 On se demande où veulent en venir les auteurs en comparant le prix de l’énergie tirée du pétrole et le prix de l’énergie humaine ou animale (p.14). La valeur de l’homme n’a rien à voir avec la valeur marchande de son énergie.

 « Dire que le nucléaire permet d’économiser du pétrole est donc faux, puisqu’il n’y a quasiment plus de pétrole dans la production d’électricité dans le monde » (p 18). Allons ! Se chauffer à l’électricité, directement ou via des pompes à chaleur remplacera une partie du fioul ou du gaz (35 Mtep/an en France aujourd’hui de fioul et de gaz pour le chauffage) ; l’utilisation d’électricité dans des véhicules bi-énergie ayant une autonomie électrique de 30 km permettra d’économiser près de 20 Mtep/an de carburant pétrolier.

 Lorsque l’on parle d’effet de serre, compter en énergie « primaire » (p.21) est peu utile car une bonne partie de l’énergie primaire est envoyée dans l’atmosphère sans que cela ne gêne personne. Mieux vaut parler en énergie finale. Dans le même esprit, rien ne sert de compter le « rendement énergétique global » puisque l’objectif recherché est, non pas l’économie d’énergie primaire, mais la diminution des émissions de gaz carbonique d’origine fossile.

  « Tout individu souhaitant la poursuite de la croissance économique souhaite aussi, même s’il ne s’en rend pas compte, la poursuite de la hausse des émissions de CO2 fossile » (p. 22). Pourquoi ce ton condescendant, presque méprisant ? Le programme de division par trois proposé ici  va très bien avec une augmentation du PIB.

 Une augmentation de température de 10 à 20 °C en 2200 ? (p. 39). A trop vouloir prouver, on affaiblit son argumentation.

 La réflexion sur les biocarburants est incomplète. Ceux de seconde génération pourront sans doute utiliser efficacement la biomasse.

 Les auteurs préconisent la création d’une taxe qui ferait passer le prix du pétrole à 300 $/bl. Quelle autorité la fixera ainsi ?

  « Le prix de l’énergie doit devenir indéfiniment croissant avec une hausse de quelques pourcents par an en termes réels ». On montre sur ce site qu'une augmentation du prix de 1 à 2 % par an en termes réels pendant trente ans sera sans doute suffisante suffire pour diviser les émissions françaises par deux ou trois.

 Les auteurs recommandent une hausse progressive de l’impôt (p.162). A mon avis il faut viser une hausse progressive du prix à la consommation finale, ce qui créera un cadre stable favorable à l’initiative individuelle. Ce qui sera déterminant, ce sera, non pas le niveau de la taxe CO2, mais le niveau de prix à la consommation finale.