Depuis septembre 2000, un groupe de l’Amicale des Mines animé par A.C. Lacoste et G. Defrance se réunit régulièrement sur le thème « les puissance publiques : efficacité, contrôle, régulation ».  Ce thème présente avec celui du "forum confiance" de larges zones de recouvrement. C’est pourquoi nous avons mis sur ce site les comptes-rendus des réunions.  Ces documents sont provisoires puisque le cycle de réunions de ce groupe de l’Amicale n’est pas achevé. Néanmoins, en son état actuel, il montre la richesse des matériaux accumulés. Il met en évidence que la « problématique » du contrôle et de la régulation est la même dans des secteurs différents.
   Les comptes-rendus des réunions du groupe de l’amicale de mines

" les puissances publiques : efficacité, contrôle, régulation "

Mis à jour fin 2002 : comptes rendus de 19 réunions, du 3 octobre 2000 au 21 novembre 2002

Avec l'accord des animateurs du groupe, Gustave Defrance et André-Claude Lacoste, nous avons seulement enlevé des comptes-rendus diffusés auprès des membres du groupe le nom des participants à ces réunions. Ces comptes redus sont très riches ; nous sommes heureux de contribuer à leur diffusion. On peut lire aussi une note de lecture "transversale".
 
Transport aérien  transport par camion
la transparence, première réunion et deuxkème réunion, l'inspection du travail première réunion et deuxième réunion  la place de l'Europe, première réunion et deuxième réunion
les mutations industrielles première réunion et 2é réunion
les attentes de citoyens première réunion et 2é réunion
le contrôle des établissements et des sites à risque et son évolution première réunion et 2é réunion
Les réseaux internationaux première réunion 2ème réunionNormes et confiance première réunion  2ème réunion
L'expertise scientifique première réunion  2ème réunion
La communication dans le domaine du risque industriel. 
première réunion,  deuxième réunion  

3 octobre 2000 

Le transport aérien

Les éléments suivants peuvent être retenus de ces contributions : 

L’Etat est omniprésent dans le domaine du transport aérien (construction, certification, navigation, économie, négociation des droits de trafic, etc) sans aucune décentralisation et avec l’intervention de plusieurs ministères : Transports, MINEFI, etc. ; 

Il a en charge toute la régulation (malgré les concessions attribuées à ADP et aux CCI) et exerce directement des missions de navigation. 

L’Etat est toujours très présent en matière économique avec des avances remboursables. Il détient 52 % du capital d’Air France, 99 % du capital de la SNECMA et 15 % de EADS. Il entretient des relations " de fausse tutelle " avec de nombreuses compagnies. 

L’existence d’un budget annexe pour l’aviation civile donne une stabilité certaine à l’action de la DGAC. 

Le transport aérien est une activité internationale gérée au niveau mondial par l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale). La négociation des droits de trafic est sous la responsabilité de l’Etat (sauf pour l’Europe) : Ministère des affaires étrangères et Ministère des transports. 

La légitimité de l’Etat à intervenir sur les problèmes de sécurité, d’environnement, d’aménagement du territoire n’est guère contestée et l’histoire a fait de la France un pays qui compte en aéronautique. 

Une loi de juillet 1999 a créé une autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (l’ACNUSA). Ses missions pour les neufs principaux aéroports portent sur l’expertise technique en matière de mesure de bruit, l’information, la médiation pour les chartes de l’environnement sonore, l’examen des projets de plan de gêne sonore, les plans d’exposition au bruit et des textes réglementaires. L’ACNUSA a un pouvoir général de sanction et un pouvoir de recommandation pour tous les aéroports français. 

Au sein de la DGAC, le service de la formation aéronautique et du contrôle technique (SFACT) est chargé d’une part d’élaborer la réglementation relative à la conception, la production, l’entretien, l’exploitation des aéronefs civils ainsi qu’à l’aptitude des personnels et de contrôler son application ; d’autre part il est également chargé de l’ensemble des questions relatives à la formation aéronautique (notamment de l’ENAC : école nationale de l’aviation civile). 

La réalisation du Concorde et de l’Airbus a donné lieu à une expérience exceptionnelle d’harmonisation européenne sans support juridique ou institutionnel dans une première étape. En 1991 un règlement communautaire a donné une existence juridique aux JAA (Joint Aviation Authorities) homologues potentiels de la FAA américaine (Federal Aviation Administration). 

L’Europe de la sécurité aérienne existe bien face aux USA avec des déploiements dans les domaines de la certification, l’entretien, l’exploitation, les licences des personnels, la réglementation, et la recherche. 

En France, dans le domaine de la réglementation aérienne, il n’y a pas de distinction entre un niveau de décision (l’autorité) et un niveau d’expertise (l’appui technique) : il y a intégration des deux niveaux au sein de la DGAC, contrairement à ce qui se fait par exemple dans le domaine de la sûreté nucléaire. 

L’expérience française montre que la réglementation correspond bien à un métier : une structure composée d’ingénieurs et de juristes doit notamment se préoccuper de l’homogénéité des prescriptions et de leur compatibilité avec les réglementations internationales. 

De nombreuses questions se posent pour le futur : 

la croissance du transport aérien (+ 5 % par an) a-t-elle des limites, notamment en matière de contrôle aérien et d’aménagement du territoire ? 

les problèmes d’acceptation du risque et d’environnement prennent de l’ampleur ; 

le basculement vers un système libéral et le comportement de certains acteurs aériens donnent une réelle instabilité : 

les consommateurs du transport aérien vont-ils demander la publication des performances en matière de sécurité et d’environnement ?

les pays en développement doivent-ils être aidés pour se doter d’une capacité aéronautique ? 

*

* *

Un premier débat suit ces introductions et porte principalement sur les autorités indépendantes, la compétence des acteurs, la pression de l’opinion publique et les indicateurs en matière de sécurité aérienne. 

La création de l’ACNUSA, première autorité administrative indépendante créée dans le domaine de l’environnement, conduit à rappeler le rôle de paratonnerre que donne l’Etat à une telle institution sans pour autant la doter correctement. 

Le thème des compétences au sein de la puissance publique est abordé. Pour la DGAC, il n’y a pas de problèmes de recrutement en début de carrière, la respiration " Public-Privé " ne fonctionne qu’à sens unique et il faut savoir trouver des solutions originales pour certains problèmes. C’est ainsi que l’OCV (organisme de contrôle en vol) recrute des pilotes de ligne à mi-temps pour disposer des compétences indispensables. 

A propos de l’accident récent du Concorde, le travail du Bureau-Enquête Accident (BEA), qui bénéficie d’une indépendance donnée par la loi au titre de la transposition d’une directive européenne, a comporté une part importante d’information du public. L’incompréhension que montre la justice face au travail du BEA apparaît porteuse de conflits. 

Un participant évoque la possibilité de créer une Autorité indépendante en matière de sécurité aérienne. 

Les Etats et les compagnies aériennes ont commencé à travailler sur la publication d’indicateurs en matière de sécurité. Les audits réalisés par l’OACI constituent une base et permettent de classer les compagnies en plusieurs catégories. Les consommateurs (100 millions de passagers/an en France) vont-ils se montrer pressants dans ce domaine ? Vont-ils protester contre certaines pratiques type surbooking, prix d’appel… ? 
 
 
 

Le 9 janvier 2001

Le transport routier par camions

- l’évolution de la profession au cours des 20 dernières années fait l’objet d’appréciations contrastées. 

D’un côté, il est constaté que les barrières mises à l’entrée dans la profession en termes de moyens financiers, d’honorabilité, de formation ont conduit à une structuration de la profession : 4 grands groupes dominent le marché français et les artisans disparaissent progressivement. Les chargeurs exercent une influence croissante et ne peuvent admettre de voir des camions à l’arrêt pour infraction. 

De l’autre, certains participants mettent en doute cette évolution et à partir d’exemples, émettent l’hypothèse d’un écart resté constant entre la règle et la pratique. Ainsi, le comportement des chauffeurs prend en compte de plus en plus les impératifs du client (" on n’a pas de temps à perdre, les clients attendent " disent spontanément des chauffeurs lors d’une rencontre avec un haut responsable politique dans un restaurant routier). 

Les infractions sont-elles pour l’essentiel le fait des petites sociétés ? Il apparaît certain que les moyens technologiques nouveaux (localisation des camions, comptage du temps…) vont rendre les infractions plus difficiles et que l’application des lois sociales devrait aller dans le même sens (temps compté = temps payé) sauf influence particulière d’une pénurie de chauffeurs (influence de la disparition du service national pour l’obtention du permis poids lourd). 

- L’inspection du travail dans le transport routier par camions fait l’objet de fortes interrogations en raison notamment des liens étroits qui semblent unir l’inspection et les syndicats. Cette situation a pour conséquence de supprimer la protection aux salariés non attachés à une organisation syndicale. 

La présence syndicale est très médiatisée lors des conflits avec barrages des routes et intervient fortement dans leur règlement. 

- L’évolution du transport par camions est bien entendu liée à l’élasticité des prix. Doubler les tarifs en 10 ans apparaît comme possible dans le cadre de l’Europe bien que la concurrence entre les continents puisse être un obstacle sérieux avec la notion de prix incluant le transport. Des obstacles juridiques sérieux empêchent d’établir pour les autoroutes des tarifs spéciaux pour les habitants du lieu (300 km d’autoroute gratuits pour les camions espagnols à partir de Bayonne). 

La tarification en matière routière devrait prendre en compte l’infrastructure et le carburant pour évoquer les problèmes internationaux.

- L’utilisation de la certification, de l’assurance qualité, des contrats de progrès au cours des dernières années n’est certainement pas étrangère au fait que les accidents ayant des causes techniques sont exceptionnels et que le transport des matières dangereuses donne lieu à peu d’infractions. Le transport " clandestin " de matières dangereuses dissimulées représente cependant un risque considérable. 

- Le contrôle technique des camions, aujourd’hui assuré par les services de l’Etat (DRIRE), devrait, à terme (quel terme ?) se faire dans des conditions identiques à celles du contrôle des véhicules légers. Il apparaît nécessaire de réfléchir dès à présent aux moyens nécessaires pour maîtriser la délégation donnée à des opérateurs privés et gérer les transitions à mettre en place pour le personnel de l’Etat aujourd’hui occupé à ces tâches de contrôle des véhicules de plus de 3,5 tonnes. 

- Les perspectives d’avenir du transport routier par camions ne peuvent être évoquées qu’en prenant en considération des éléments de diverse nature : 

   en ce qui concerne l’Europe, l’impact de l’élargissement pourrait-il être négatif ? Quels moyens faut-il mettre en place pour éviter des pratiques inacceptables de la part des pays comme la Pologne ? Que peut-on craindre en matière de cabotage, rendu possible depuis 1998 par la réglementation européenne mais sans possibilité de sanction ? 

   dans un certain nombre de pays dans le monde, Inde, Bolivie… " le camion est le bourricot des temps modernes ", le seul lien avec le monde extérieur. Personne ne semble pouvoir indiquer le nombre de camions circulant dans le monde et les pays développés acceptent de donner des véhicules réformés à des pays en développement ; 

   la rente financière attachée à l’infraction aux règles, et l’impossibilité de mettre en place un contrôle total, pourraient conduire à s’interroger sur la gestion des marges en matière d’infraction. 

En conclusion du débat il est évoqué l’impulsion que pourraient donner les administrations et les grands Corps techniques de l’Etat à une réflexion sur les modes de contrôle – direct ou par délégation – et de régulation du secteur, en développement, des transports routiers par camions 
 

 13 février 2001

La transparence - première réunion 
 

Pourquoi la transparence ? 

Des raisons de nature très différente sont évoquées : 

a. parce que c’est une exigence de la démocratie de rendre compte au citoyen ;

b. pour être en mesure de créer et d’organiser un débat public sur la prise des décisions ; 

c. parce qu’il y a une certaine demande d’un certain public d’accéder aux documents bruts dans la forme même où ils sont élaborés ; 

d. pour répondre à une perte de crédibilité des autorités de contrôle et donner à celles qui sont indépendantes ou se veulent indépendante une certaine autonomie vis-à-vis du politique ; 

e.pour se donner une force supplémentaire, notamment vis-à-vis des industriels et des décideurs économiques ; 

f.parce que c’est à la mode, qu’il faudra bien y passer un jour et qu’il faut mieux y réfléchir avant tranquillement. 

La transparence : une valeur ? 

La transparence est présentée comme un principe par le ministère de la Santé au même titre que le principe de précaution. La transparence apparaît comme un socle pour l’action. 

La transparence n’a peut être pas été jusqu’à présent une véritable valeur pour des autorités de contrôle alors que le devoir d’information l’est depuis longtemps. 

La transparence n’apparaît pas être une valeur pour certains industriels pour qui toute information délivrée est d’abord vue sous l’angle de la communication : quel effet cette information va faire sur le public ? 

Des pratiques actuelles en matière de transparence 

La mise à disposition du public d’informations sur des problèmes d’environnement, de sécurité, de sûreté a fait l’objet de nombreuses réalisations. L’exemple de la qualité de l’air est intéressante par l’ampleur des données diffusées, le recours à un indice global (ATMO) mais conduit cependant à s’interroger sur : 

le trop grand volume des informations ; 

l’intérêt d’accompagner la diffusion des informations sur la qualité de l’air par l’énoncé des actions correctrices mises en œuvre ; 

les conséquences d’une diffusion de données inexactes ou incomplètes. 

Dans de nombreux domaines une information de qualité, objective et compréhensible, est diffusée, mais peut-on parler de vraie transparence dans la mesure où toute l’information est " réécrite" à cette fin ? 

Le cas particulier des ICPE 

La procédure d’établissement des règles applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), règles rendues publiques sous la forme d’un arrêté préfectoral, apparaît intéressante par le partage des rôles qu’elle organise avec un enrichissement possible lors de chacune des étapes. L’étude de danger que comporte le dossier du demandeur est soumise à enquête publique. 

La " transparence construite " à cette occasion n’est cependant pas sans poser problème : 

faut-il accepter des expressions contradictoires pour les services de l’Etat consultés ? 

quand faut-il mettre à enquête publique le dossier du demandeur ? ce dossier peut-il être préparé avec le concours des services de l’Etat ? 

La procédure ICPE pourrait-elle servir de base de travail pour d’autres procédures d’autorisation ? 

Des limites à la transparence 

La transparence absolue est impossible, notamment parce qu’il faut prendre en compte le secret industriel et commercial, le secret médical, le secret judiciaire… 

La transparence ne peut être qu’une valeur collective ; elle ne peut être individualisée au niveau de chaque agent. Les documents achevés peuvent être rendus publics, mais pas les documents préparatoires à une prise de décision par une autorité de contrôle. 

Pour une pratique nouvelle de la transparence ? 

Certains lieux de confrontation de points de vue tels que les Comités de bassins, les SPPPI (secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles) peuvent aider à mettre en œuvre une pratique de la transparence. 

Les difficultés rencontrées dans le traitement de dossiers tels celui de NATURA 2000 peuvent donner des retours d’expérience intéressants. 

Rendre spontanément public les documents qu’émettent les autorités de contrôle, dans la forme même où ils sont produits est possible, notamment en utilisant internet. 

*

* *

A l’issue des contributions, deux remarques sont faites : 

les intervenants n’ont pas tenté de définir la transparence ; 

il est tentant de rapprocher le mythe de la transparence de celui de la vérité. 

Pour l’essentiel le débat est donc reporté à la prochaine réunion du groupe, le 13 mars. 
 
 
 

Le 13 mars 2001

La transparence - deuxième réunion 

la transparence apparaît à certains participants comme un mythe à replacer dans le triptyque :Tribu-Mythe-Rite. Le mythe de la transparence peut être rapproché de celui de la vérité. La référence à la transparence peut être perçue comme une arme essentielle de la contestation. La transparence peut aussi apparaître comme le dispositif à mettre en œuvre pour avoir une certaine forme de paix dans la société d’aujourd’hui, dispositif qui ne permettrait pas au citoyen de dire : " on me l’a caché ". 

La relation entre transparence et communication fait l’objet de nombreuses remarques. La transparence conduit à mettre à la disposition du public des documents bruts, émanant éventuellement de plusieurs sources, conduisant ou pouvant conduire à un débat enrichi par des expertises plurielles. La communication est un acte qui s’inscrit dans une stratégie d’information d’un public ciblé avec une utilisation de documents écrits spécialement à cette intention. La communication conduit à utiliser des intermédiaires dont la neutralité peut poser problème. Les responsables des puissances publiques investissent dans la communication pour diverses raisons, notamment pour disposer d’un capital de crédibilité fort utile en période de crise et faire comprendre au public les questions qu’ils ont à traiter. 

2. Le citoyen est-il demandeur de transparence ? Des lois récentes sur le patrimoine des responsables politiques, sur les OPA, etc… organisent une certaine forme de transparence. L’Etat s’adresse parfois au citoyen pour l’inviter à faire un choix (à vous de décider si vous faites vacciner votre enfant contre l’hépatite B) ou à se prémunir contre un risque éventuel (cas des téléphones portables pour les enfants). S’agit-il de transparence ? Ces deux exemples peuvent inciter à dire que la demande de transparence du citoyen est de nature fort différente suivant qu’il s’agit de questions impliquant la personne dans sa vie quotidienne (réactions viscérales) ou de questions portant sur le futur pour un ensemble de personnes (réactions intellectuelles). La demande de transparence du citoyen n’est-elle pas aussi liée à sa formation, à son positionnement personnel face au progrès ? 

La demande sociale de transparence apparaît croissante, et intègre l’action de certaines minorités. Les interrogations liées au thème de la précaution se développent comme le montre le dossier des O.G.M. Dans une démocratie, l’Etat n’est pas légitime à se défausser de ses responsabilités sur le citoyen : il doit notamment prendre en charge l’anxiété et être capable de faire face aux risques, aux peurs, aux craintes. 

Les puissances publiques ne peuvent répondre à la demande de transparence qu’en créant la confiance comme le rappelle dans ses conclusions le programme européen " TRUSNET " sur la gouvernance des risques. 

Des pratiques de transparence existent dans certains pays mais ne sont pas sans poser problème. 

L’échelle INES dans le domaine nucléaire n’est pas appliquée de la même manière en France et en Allemagne. Au Canada une Autorité de contrôle met à la disposition du public l’ensemble des courriers qu’elle reçoit ! 

Dans certaines relations avec le public sur des sujets difficiles (recherche de site pour le stockage de déchets) il a été constaté la nécessité de partir des questions que se posent les personnes concernées. 

Le travail fait par le groupe radioécologie du Nord Cotentin, pour un coût de 50 MF, montre les conditions à remplir pour établir une véritable transparence sur un sujet difficile, sans pour autant parvenir à rédiger des conclusions parfaitement claires. 

La transparence sous-entend la clarté, mais les décideurs peuvent-ils, en toute circonstance, pratiquer la clarté ? En matière de mutations industrielles, d’accidents aux causes encore inconnues, de modifications susceptibles d’être apportées à des statuts de personnels, de changement de régimes de retraite, faut-il constater qu’on ne sait pas être clair, que l’on ne veut pas être clair, ou qu’on ne peut pas être clair ? 

La transparence dans les processus de décisions, dans la gestion des crises est-elle possible sans un recours à des rites ? La justice est rendue en public en maintenant (en principe) le secret de l’instruction, le conseil des ministres délibère en secret et donne lieu à un compte rendu de parfait consensus, le parlement adopte une loi de finances sur la base d’un document très hermétique. 

Dans la problématique de la transparence les grands corps de fonctionnaires ont-ils un rôle particulier à jouer, notamment au sein de l’Etat ? Des membres du groupe ont évoqué à propos de cette interrogation : l’aspect rationnel des sciences et techniques, la capacité à gérer l’incertitude, les échelles de valeurs différentes, des visions du monde non partagées, le risque de servir de " tête de turc ", l’aspect manipulable de beaucoup de données… 
 
 
 

4 avril 2001

L’inspection du travail - Première réunion 
 

Les interventions des DRIRE en matière d’inspection du travail ont pour fondement l’article L 611.4 du code du travail (" Dans les établissements soumis au contrôle technique des ministères chargés des travaux publics, des transports et du tourisme les attributions des inspecteurs du travail et de la main d’œuvre sont confiées aux fonctionnaires relevant de ce département… ". L’idée générale est évidemment que les services en charge du contrôle technique sont excellemment placés pour faire l’inspection du travail. 

Les DRIRE distinguent traditionnellement deux métiers différents dans l’inspection du travail : l’aspect hygiène et sécurité et l’aspect lois sociales. La revendication récurrente des DRIRE est de ne pas vouloir prendre en charge les aspects lois sociales en les laissant aux DDTEFP. Ces deux métiers pourraient-ils être séparés comme dans certains pays étrangers ? 

La synergie entre les métiers de contrôle technique et d’inspecteur du travail apparaît très grande pour le secteur mines et carrières et pour les CNPE, très limitée pour les lignes électriques, les téléphériques des barrages et les barrages proprement dits pour l’ensemble du thème hygiène et sécurité. Pour le thème des lois sociales la synergie est limitée aux mines et aux CNPE. 

Le contrôle technique et l’inspection du travail apparaissent dans les DRIRE comme appartenant à deux cultures différentes, à deux modes de management différents : l’indépendance de l’inspecteur du travail peut être située par rapport au travail d’équipe qui existe dans le contrôle technique, avec une présence forte de l’administration centrale et une relation hiérarchique avec les Préfets de département et de région. 

Le contrôle technique et l’inspection du travail sont encore des tâches fortes importantes dans les dernières mines françaises (Houillères de Gardanne, Houillères de Lorraine où au cours des dernières années on compte cinq accidents mortels, cinq accidents majeurs, un coup de grisou, accompagné d’un coup de poussière). Dans les dépendances légales des mines comme les cokeries et centrales thermiques, les DRIRE ont en charge l’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). 

L’inspection du travail dans les ICPE à risques spécifiques (SEVESO) devrait-elle être confiée aux DRIRE comme cela a été évoqué après des accidents, notamment celui de METALEUROPE du 16 juillet 1993 (dix morts) ? La même question pourrait être évoquée pour les INB autres que les CNPE. 

L’inspection du travail est organisée par le ministère du travail et de l’emploi sur la base de 440 sections pour le territoire national. Chaque section est dirigée par un inspecteur du travail assisté de deux contrôleurs. C’est donc 1 200 à 1 300 personnes qui contrôlent 15 millions de salariés pour 1,5 million d’établissements. Un statut d’emploi a été créé en 2000, pour les inspecteurs du travail. 

L’inspection du travail est une inspection de type généraliste, la partie hygiène et sécurité étant la plus ancienne, la partie droit du travail étant très marquée par le dialogue social et le droit syndical. 

La dégradation du marché du travail, et l’évolution du droit du travail (développement du travail précaire – réduction du temps de travail, influence de l’UE…) conduisent le ministère du travail et de l’emploi à conduire des changements portant sur la définition de stratégies collectives pour ses services déconcentrés (des objectifs, des critères d’évaluation, des thèmes prioritaires…) sur les articulations à mettre en place au niveau départemental (inspection du travail, développement de l’emploi). 

Après les premières contributions un large débat s’engage entre tous les participants de la réunion. 

L’inspecteur du travail apparaît comme un " fonctionnaire très exposé " chargé en quelque sorte de trouver des arbitrages entre la loi du marché et la loi de la raison. La comparaison entre la situation française et celle de pays étrangers fait l’objet de nombreuses interrogations (cas particulier de MARKS and SPENCER). Le rôle du parti communiste et du syndicat est rappelé au titre de l’histoire de l’inspection du travail dans les pays de l’ancienne URSS. 

La mise en cause des inspecteurs du travail par la justice est évoquée avec en référence la mise en examen d’ingénieurs et de techniciens des DRIRE au cours des dernières années. L’inspection du travail au contraire de l’inspection des ICPE ne donne pas d’autorisation préalable au nom de l’Etat. 

La difficulté pour définir des priorités pour l’inspection du travail apparaît très grande sauf pour des cas très particuliers type : chute de grande hauteur. Des priorités à l’échelon d’un territoire peuvent être examinées avec divers partenaires de l’inspection du travail : CNAM, médecine du travail, OBETP, DDE, DRIRE … 

La définition de la maille d’intervention pour l’inspection du travail : la section n’apparaît pas toujours très pertinente pour certains problèmes : radioprotection, amiante et rend encore plus complexe les relations d’une part avec des structures importantes type agence de l’emploi, assurance maladie, d’autre part avec les services déconcentrés de l’Etat. 
 
 

 12 juin 2001

L’inspection du travail  - seconde réunion 

La France est un cas particulier en Europe : en général, dans les autres pays, l’inspection du travail porte seulement sur l’ensemble santé-sécurité-conditions de travail, et le contrôle de l’application des lois sociales relève d’autres administrations ou de la justice. En France, les agent du ministère chargé du travail sont attachés à la définition généraliste de l’inspection du travail : à leurs yeux les interactions nombreuses qui apparaissent entre les pathologies professionnelles (fréquence et gravité) et la qualité du dialogue social justifient cette façon de voir. Mais ils s’interrogent sur la viabilité de ce modèle et sur leurs modes d’intervention. 

L’organisation actuelle de l’inspection du travail est très influencée par l’évolution du contexte général du marché du travail et du chômage ; par l’évolution interne du travail (précarité – poids des PME – RTT – transformation de l’organisation…) ; par l’inflation des textes applicables et de leur complexité. Deux types de présence des inspecteurs du travail existent dans l’entreprise : celle liée au contrôle, celle liée aux rapports sociaux dans leur globalité. 

Les changements introduits progressivement par le ministère du travail et de l’emploi doivent tenir compte du fait que pendant très longtemps il n’y a pas eu de management central de l’inspection (culture individualiste : " les inspecteurs du travail ont existé avant l’Inspection, avant le ministère du travail ", quelle définition du métier de chef de bureau en administration centrale…). La définition des compétences nécessaires à l’inspection du travail pour conforter le dialogue social et jouer le rôle de médiateur doit tenir compte de l’organisation en section (inspecteur et contrôleurs) et d’une possible tentation de refuge dans la technicité juridique. 

La section doit intégrer les missions relatives à l’emploi, au travail et à la formation (la tendance à spécialiser les contrôleurs dans le domaine des PME et l’inspecteur dans celui des GE pose problème) et l’action de l’inspection dans son ensemble doit être pluridisciplinaire et partenariale (appel à des compétences médicales, ergonomiques, et technologiques). 

L’inspection du travail devrait être au centre d’un réseau de compétences. 

2. Relégitimer l’inspection du travail ne peut se faire dans le cadre d’une politique de régulation sociale, en prenant en compte " le désert syndical " et en notant que l’action répressive trouve ses limites par le nombre de PV sans suites judiciaires. 

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Du débat qui s’instaure après la présentation évoquée ci-dessus on peut retenir les éléments suivants : 

L’inspection du travail ne publie pas de rapport d’activité et le conseil national de l’inspection du travail créé en 1993 n’a pas été mis en œuvre. 

Des passages de l’administration centrale à l’inspection n’apparaissent guère possibles. 

Le souhait des DRIRE de ne prendre, dans l’inspection dont elles ont la charge, que la partie hygiène et sécurité apparaît tout à fait possible juridiquement et correspond de fait à une pratique existante dans certains pays européens. 

Un certain nombre de défaillances en matière de pratique de sûreté apparaissent liées à des manques de rigueur, à des mauvaises liaisons sociales et humaines, et se situent donc dans le champ de travail de l’inspection. Comment sur ces sujets prendre en compte les aspects qualitatifs ? 

Comment développer un système d’inspection du travail combinant le contrôle généraliste de droit commun de l’inspection et l’apport de compétences techniques spécialisées : compétence médicale, compétence sur les conditions de travail (ANACT et ARACT), compétence technologique (CRAM, OPPBTP, DRIRE) ? Le cas de la coopération entre l’inspection du travail des transports et l’Autorité de sûreté nucléaire à propos des transports de matières radioactives est évoqué. 

L’inspection du travail peut être dans certains secteurs, comme celui du transport ferroviaire, la seule présence de l’Etat. Le rôle des contrôleurs du travail est essentiel dans un cadre marqué par des découpages géographiques en forte opposition pour l’application du droit social et la mise en œuvre des transports. 

Les plans sociaux qui font la une des médias actuellement, alors que 85 % des licenciements se font sans plans sociaux, obligent à se poser la question du management du progrès dans les relations sociales. 

L’inspection du travail connaît " une crise d’identité, une crise de sens " qui devrait la conduire à une réflexion sans antagonisme avec les autres acteurs et en prenant pour hypothèse qu’une meilleure représentation des travailleurs est possible. Faut-il imaginer des " états généraux " pour réfléchir ensemble ? 
 
 

 18 septembre 2001

La place de l'Europe - première réunion
 

Dans le domaine de l’air, quasiment toute la réglementation est d’origine européenne ou internationale avec une abondance de textes (200 directives et 50 traités) et une tendance à intervenir sur des sujets très " spécifiques " type bateaux de plaisance, engins mobiles non routiers… 

Le phénomène des pluies acides, traité dans la période 1975-1980, a mis l’accent sur les pollutions transfrontières et a donné lieu, comme aujourd’hui pour l’effet de serre, à des conventions internationales. Les protocoles signés dans les années 1980 ont permis d’atteindre les objectifs fixés en termes de réduction des émission et de délais pour des coûts évalués à 9 Md€/an pour la France et 60 Md€/ an pour l’Europe. 

La commission européenne est intervenue fortement dans certains domaines tel que celui de l’automobile avec le programme AUTO-OIL, dans la fixation de valeurs limites à ne pas dépasser, de plafonds d’émission pour les sources fixes, dans la définition des meilleures technologies à utiliser. Les Etats n’ont plus de marge de manœuvre et sont limités aux réductions à apporter à la circulation automobile. 

Les Etats, qui sont invités fortement à transposer dans les délais prescrits les directives européennes, sont très interrogatifs sur leur capacité à intervenir en amont de l’adoption par le conseil des ministres de l’environnement des directives en participant activement aux groupes d’experts. La France dispose de peu de bureaux d’études susceptibles d’être retenus par la Commission. 

Le contrôle de l’application des directives reste du seul ressort des Etats, mais la cour de justice européenne est de plus en plus sollicitée par des particuliers soutenus par des associations. 

Dans le domaine de l’électricité, l’intervention de l’Europe peut être représentée par l’image de la marée qui monte et s’attaque au château….de sable. La CRE, en application de la loi de modernisation (" faux nez de la directive ") et dans le cadre des pouvoirs que peut prendre une autorité administrative indépendante, autorise des changements considérables : une bourse de l’électricité à Paris, création du trading, création d’une entité pour le réseau de transport de l’électricité (" un pointillé pour découper "). 

La vente ou l’achat de centrales électriques donnent lieu à de sérieuses difficultés, la commission européenne pouvant exiger des gages. 

La fragilisation du service public apparaît assez évidente au travers des difficultés de détermination des coûts (directs ou évités), des mécanismes de recouvrement… 

La politique européenne, explicitée partiellement dans le cadre du livre vert "vers une stratégie européenne de sécurité d’approvisionnement énergétique ", apparaît comme une construction inachevée, sans réels fondements démocratiques, avec un rôle ambigu pour la commission qui semble parfois avoir des objectifs politiques sans base technique. 

Le domaine des transports est avec celui de l’agriculture un terrain d’action privilégié de l’Europe. La commission a basé ses interventions sur 3 principes : vertus de la concurrence, bienfaits de la privatisation ,suppression des aides des Etats.

Sous l’impulsion de l’Union européenne des progrès considérables dans le secteur de la sécurité maritime ont été réalisés, des modifications importantes dans le secteur ferroviaire (séparation infrastructure / exploitation) ont été introduites. Par contre le transport combiné n’a fait l’objet d’aucune action. 

Dans le transport routier l’importance des aspects sociaux (temps de conduite, de repos, salaires applicables à différentes catégories de personnel) a été jusqu’à présent ignorée. 

La commission s’est montrée " naïve et/ou tétue " pour traiter certains problèmes : cabotage maritime, aides pour promouvoir le transport combiné, privatisation des chemins de fer…. 

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Après ces premières contributions un large débat s’engage entre tous les participants de la réunion. 

La place du Parlement européen fait l’objet de diverses remarques (caractère imprévisible de ses interventions, présence discrète sur beaucoup de sujets, tendance à renforcer les mesures de protection de l’environnement…) qui conduisent à évoquer une possible évolution de son rôle dans une recherche de légitimité pour les instances européennes. A ce sujet sont évoqués : 

l’influence de la rotation par semestre de la présidence de l’Union européenne les aspects technocratiques de la commission la difficulté des réunions avec 15 pays représentés l’importance pour l’Europe du Traité de Rome qui reste la base de la construction politique d’aujourd’hui. Aucune structure de l’Europe n’a réellement de comptes à rendre devant le peuple. 

L’exemple des USA pourrait être mis à profit pour étudier les imbrications politiques, sociales, économiques qui existent entre les différents " étages " de l’Europe. 

Sur un autre plan, la simplification administrative est-elle déjà aujourd’hui une nécessité pour l’Union européenne ? Une réflexion est amorcée dans le domaine de l’environnement avec en projet un programme intégré (cleaner.act) . Une réécriture des directives sera nécessaire. 

Enfin, la mise en œuvre, dans le cadre de la prévention de l’effet de serre, de droits à polluer peut apparaître comme une modification fondamentale des méthodes de l’Union européenne. De la même manière la directive sur les énergies renouvelables peut conduire à des choix délicats entre tarifs d’achats préférentiels et certificats verts. 
 

16 octobre 2001

La place de l’Europe - deuxième réunion
 

L’Europe suscite toujours beaucoup d’interrogations, mais des changements assez considérables se sont mis en place dans les dernières années : procédure de co-décision, élargissement et approfondissement du droit communautaire, définition d’une méthode de " coordination ouverte ", et non pas d’harmonisation, dans le champ économique et social (stratégie de Lisbonne), etc... 

Le champ d’intervention très large de l’Union européenne a jusqu’à présent donné naissance à une législation abondante en laissant une certaine liberté pour la transposition par chaque pays et une forte délégation pour les moyens opérationnels. " A-t-on atteint les limites du système de production réglementaire ? ". Comment tenir compte des aspirations contradictoires des citoyens (une Europe de proximité) et des pays (qui souhaitent garder des responsabilités propres) ? 

Une nouvelle méthode de coordination se met en place, dans le cadre d’une convergence des économies européennes ayant pour base la libéralisation, sans rechercher un champ précis d’application. Par cette méthode la Communauté " sort du droit " (il n’y a plus de recours possible à la Cour de justice). 

Le Livre Blanc sur la gouvernance européenne, en consultation publique jusqu’en mars 2002 va-t-il marquer une nouvelle étape dans la construction européenne ? Les thèmes qu’il développe : consultation de la société civile, simplification de la réglementation, recours à l’expertise, la pratique de la co-régulation, sont porteurs de possibles décisions en matière de recours à la coordination, de création d’agences européennes, de renforcement de l’application du droit européen, de participation à la gouvernance mondiale. 

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L’Union Européenne apparaît souvent obsédée par 2 modèles : celui de la Constituante (la Raison va remplacer le Roi) et celui des USA (mais dans l’Europe les Etats ont un passé et résistent à la poussée du fédéralisme). Les singularités locales représentent l’enfer pour l’Union Européenne, et les pays européens sont agacés par la " raideur technocratique de Bruxelles " dont un des meilleurs exemples pourrait être l’intervention relative au roquefort. 

La coordination " insuffisante " entre les directions générales de l’Union Européenne est comparée à la pratique française de l’interministérialité via le SGCI. Au travers d’un certain nombre d’exemples très concrets il apparaît qu’une tendance à mettre en valeur les difficultés européennes face à des bonne pratiques françaises peut exister chez les fonctionnaires français. En sens inverse la France n’apparaît guère capable de se donner des priorités en matière de construction européenne, et la cohabitation peut engendrer des difficultés. 

La présence des élus politiques est considérée comme insuffisante dans l’Union Européenne alors que le pouvoir du Parlement s’accroît avec un rôle important des rapporteurs des Commissions. Il est caractéristique que les représentants des grands secteurs économiques y fassent un lobbying très actif, par exemple en faveur d’une autorisation européenne de mise sur le marché pour les médicaments, ou à propos des grosses installations de combustion. 

Il peut y avoir création d’agences européennes de tous types, allant de l’observatoire (Agence de l’environnement, etc…) à l’agence d’intervention (médicament, sécurité maritime ou aérienne, etc…) 

L’élargissement de l’Europe posera de nombreux problèmes dont notamment celui de l’application des directives existantes dans les nouveaux pays membres : faudra-t-il des dérogations, des délais de mise en œuvre ? 

L’Europe apparaît souffrir d’un " déficit de théorie " pour trouver sa voie entre l’universel technique porté par le libéralisme et le mythe d’un état supranational. La vocation initiale de l’Europe : éviter les guerres entre les Etats qui la constituent était très mobilisatrice. Elle a perdu de sa force, sans être remplacée par une idée aussi porteuse. 

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14 novembre 2001

Les mutations industrielles - le rôle de l'Etat - première réunion

Les mots employés pour traiter des modifications qui interviennent dans le tissu économique d’un pays, d’une région, d’un territoire sont plus ou moins porteurs de sens : mutation, conversion, restructuration, reconversion, réindustrialisation… Ces modifications peuvent être présentées comme des éléments normaux de la vie, tout en prenant une signification différente en fonction de la santé de l’entreprise concernée (" la déconfiture totale de Moulinex ", les mutations chez Danone-Michelin-Philips). 

Les transformations du monde économique se font aujourd’hui rapidement par rapport à celles des années 1970 et sont liées à la mondialisation. Elles portent sur des champs très diversifiés, ne concernent pas seulement l’industrie et interviennent aussi en période de croissance (fusions, acquisitions). Ces transformations rapides sont difficilement acceptables pour des " acteurs figés ", des catégories sociales fragiles (sentiment d’abandon – pas de faculté à rebondir professionnellement…), des territoires très dépendants d’une seule activité. 

L’Etat est très directement concerné pour des activités dépendant de lui (secteur industriel de la défense – Charbonnages de France…), par des secteurs entiers de l’économie nationale (exemple de la sidérurgie), par les actions de conversion qu’il peut promouvoir en termes de développement endogène (entreprises dépendantes ou non dépendantes de l’entreprise en mutation), en termes de développement exogène (les limites des investissements " parachutés "), en termes de traitement social, en termes d’amélioration des infrastructures (" des rubans à couper ! "). 

L’ action de l’Etat est aujourd’hui interrogée : l’Etat doit développer des partenariats avec d’autres acteurs (puissances publiques, syndicats, associations, partis politiques…) ; le poids relatif du législatif et du conventionnel est à repenser (des effets pervers des textes législatifs en matière de plans sociaux ?) ; l’Etat est-il plus efficient en qualité d’organisateur qu’en fournisseur de moyens ? 

L’ action de l’Etat suppose au niveau central une coordination interministérielle sans faille et sur le terrain une action très concertée des administrations déconcentrées. 

Les régions ont des compétences limitées dans le domaine économique et " ne voient pas les plans sociaux ". La démocratie locale constitue une caisse de résonance pour les mutations industrielles difficiles. Les responsables politiques peuvent servir de courroie de transmission, vers le pouvoir central et constituer en certaines occasions " une soupape politique ". Les mutations industrielles peuvent avoir dans certaines régions ou territoires une ampleur quantitative ou qualitative considérable (400 000 emplois supprimés dans le Nord Pas-de-Calais en 40 ans). 

Anticiper les mutations industrielles : est-ce possible ? La Commission européenne propose que les entreprises de plus de 1000 salariés élaborent périodiquement un rapport sur la conduite du changement. L’employabilité tout au long de la vie fait l’objet de travaux. Mais comment dire des choses très inquiétantes à entendre : 1/3 des emplois supprimés dans tel secteur industriel d’ici 2006 ! 

Les DRIRE peuvent-elles préparer des mutations réussies ? Eviter des effets domino en travaillant en amont sur la sous-traitance ? 

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Après ces premières contributions, un large débat s’engage entre tous les participants de la réunion. 

Plusieurs personnes apportent des témoignages sur la difficulté à anticiper et même à porter des messages " inquiétants ". " Comment le dire ? ", " A qui le dire ? " peuvent parfois se demander certains responsables à l’issue de réflexions prospectives. 

La difficulté de mobiliser des acteurs locaux pourrait-elle s’estomper si des indicateurs existaient sur les mutations industrielles ? Des travaux sont entrepris sous l’égide de la DATAR pour inventer ces indicateurs. 

L’un des participants dit son étonnement d’entendre peu citer les actions de l’Europe. Il est rappelé à ce sujet que si l’Europe n’a pas de politique industrielle, elle est cependant très présente en matière d’aides à la reconversion tout en limitant les aides aux entreprises en difficulté (" c’est heureux "). L’Europe vient de décider la création d’un Observatoire européen des mutations industrielles. 

L’intervention de l’Etat fait l’objet d’appréciation divergentes, qu’il s’agisse de macro-économie ou de micro-économie, les interférences entre ces deux types d’économie étant nombreuses mais pas toujours très apparentes. L’opinion publique peut être plus sensible aux mutations qui touchent des symboles comme des arsenaux qu’au développement d’entreprises à forte valeur ajoutée. Il apparaît indispensable que des moyens d’évaluation des actions de l’Etat soient mis en place pour tenter de mesurer des résultats et qu’un système de veille permette d’assumer au mieux le pire. 

Un intervenant fait remarquer que l’essence de l’Etat, c’est la permanence, qui peut conduire à l’inertie, et qu’en France il reste des vestiges de la monarchie absolue, avec des idées comme " le plan, ou l’anti-hasard ", ou " les 35 heures pour vaincre le chômage ". Par ailleurs, le citoyen d’aujourd’hui n’accepte pas d’être méprisé et il apparaît nécessaire que les acteurs des puissances publiques aient devant les mutations industrielles l’intelligence du cœur. 

Le débat se poursuivra le mardi 18 décembre après une introduction de Marc CAFFET, DRIRE de Rhône-Alpes. 
 

18 écembre 2001
Les mutations industrielles - le rôle de l'Etat - deuxième réunion
 

Les mutations industrielles sont un des aspects des mutations économiques qui comprennent elles-mêmes des problèmes de délocalisation des lieux de production et de l’ingénierie déportée ; 

les mutations concernent à la fois les territoires et les hommes. La réaction des territoires est très inégale et le rôle de l’Etat peut être de catalyser des dynamiques territoriales. La capacité des hommes à envisager le changement, à s’adapter à de nouveaux métiers, à accepter de prendre des avantages acquis conduit à la notion d’employabilité ; 

la capacité d’anticiper apparaît être une question fondamentale. Mais la prévision est difficile et l’énoncé d’indices avant coureurs est généralement mal reçu par l’ensemble des décideurs territoriaux. Comment faire prendre conscience de la réalité de la situation de l’entreprise concernée ? Comment créer " l’électrochoc salutaire " ? ; 

le rôle de l’Etat s’est déplacé. Aux interventions d’urgence (pompier, gardien des plans sociaux), il peut être souhaitable de substituer un rôle de veille, d’analyse et de catalyseur des dynamiques. L’Etat doit développer une capacité à monter des projets dans le cadre de partenariats avec les collectivités territoriales, les structures socio-professionnelles, les syndicats… 

Du débat qui s’instaure après la communication évoquée ci-dessus on peut retenir les éléments suivants : 

les objectifs de toute conversion devraient être définis au delà de la nécessité, reconnue implicitement, de préserver l’ordre public (" éviter les mouvements insurrectionnels "). Le remplacement quantitatif des emplois peut s’accompagner d’une certaine forme de paternalisme, notamment de la part des élus, ne permettant pas de prendre en compte une dimension sociétale de la reconversion. Le changement de société qui correspond à une mutation industrielle importante est difficile à évoquer et à mettre en œuvre et demande du temps. L’un des participants évoque à ce sujet " la cécité de l’action publique et l’aspect positif que pourrait avoir le maintien d’une certaine capacité d’insurrection ". Répondre, après un ensemble d’actions de reconversion, à la question " qu’avons-nous réussi ?" est extrêmement difficile. 

Le rôle de l’Etat fait l’objet de nombreux commentaires. Eclairer l’avenir, donner à toutes les entreprises les moyens d’être compétitives, créer la confiance (" comment accepter les délais constatés pour remplacer les fenêtres après l’accident de Toulouse ?"), éviter le fatalisme… apparaissent être des impératifs. L’Etat serait-il moins efficace aujourd’hui que par le passé dans ces domaines ? Certains le pensent en faisant mention d’une part du rôle amoindri du Plan et de la Datar, d’autre part en souhaitant la création de " cénacles nouveaux ". Le décloisonnement de l’action publique, le recours à des partenariats très forts, l’acceptation des corps intermédiaires et des associations s’imposent dans toute conversion industrielle. L’un des participants rappelle que l’Etat doit prendre garde à ne pas organiser l’immobilisme, y compris dans la formation des fonctionnaires.

Les mutations industrielles conduisent à constater le comportement singulier de certains territoires. L’exemple de la vallée de l’Arve est cité : situation florissante du décolletage, densité du réseau associatif, relations transfrontalières intenses, attitude d’indépendance vis à vis de l’Etat central, structures patronales fortes… L’avenir du pôle chimique de Toulouse est évoqué sous l’aspect de la demande de fermeture portée par les élus et une partie de la population. Un participant note que les grands groupes industriels doivent avoir des visions à long terme et qu’ils peuvent souhaiter échanger sur ce thème avec l’Etat et avec les partenaires sociaux. Toute mutation industrielle suppose de sortir de la continuité pour éventuellement imposer des idées totalement nouvelles (cas du parc des Stroumfs à Longwy). La question du volume " naturel " de la population dans des bassins industriels soumis à des reconversions majeures est par ailleurs posée. 

La capacité de l’Etat et/ou de certains acteurs économiques à intervenir le plus en amont possible des mutations industrielles apparaît à tous les participants comme une question majeure. Des exemples sont cités pour dire combien les porteurs d’interrogations sur le devenir industriel sont mal reçus (vallée de la Sambre, bassin d’Oyonnax, Longwy…). Le rôle de " perturbateur " peut-il être plus facilement tenu par des " personnalités à statut particulier " ? Dans une société qui privilégie de plus en plus le court terme, introduire le doute en matière de devenir économique suppose au minimum d’être en mesure de disposer d’indicateurs précis et de maîtriser l’effet d’annonce. 

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Le 8 janvier 2002

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Préoccupations des citoyens et responsabilités des puissances publiques - première réunion. 

Les éléments suivants peuvent être retenus des contributions ayant pour sujet, d’une part " OGM, les champs de la controverse ", et d’autre part les recours déposés contre la décision d’alimenter une usine d’électronique de la région parisienne par des captages d’eau dans une nappe protégée : 

les OGM représentent un objet scientifique et technique, certes, mais surtout social susceptible de donner lieu à autant de définitions qu’il y a d’acteurs ; 

malgré la multiplicité des études, il n’y a pas en France ni à l’Union Européenne de doctrine officielle. Six angles d’attaque peuvent être retenus pour analyser les problèmes posés : 

   transgression des espèces (rapport au vivant) 

   biodiversité 

   économie de l’agriculture et biopiratage (ressources génétiques rares utilisées sans discernement) 

   aliénation de l’agriculteur 

   liberté en matière d’alimentation (" pas dans mon assiette ", et traçabilité) 

   brevetabilité du vivant (intérêts des Etats et des grandes entreprises). 
 
 

Les questions que peut se poser l’Etat dans un dossier comme celui des OGM peuvent être formulées de la manière suivante : 

   - comment construire la meilleure décision possible avec tous les acteurs : experts, agriculteurs, semenciers, consommateurs, profanes … ? 

   - comment créer les conditions qui rendent l’innovation acceptable ? 

Les conflits qui naissent sur un territoire donné sont toujours à traiter avec pragmatisme et peuvent trouver des réponses à partir de dialogues créés en amont dans le cadre des travaux de planification (déchets) ou de structures de concertation type SPPPI (secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles), CLI ou CLIS (commission locale d’information … et de surveillance).

Les conflits sur des dossiers spécifiques mettent souvent les associations dans une position difficile : comment naviguer entre la cogestion et la participation à la construction de solutions, d’une part, et le syndrome NIMBY (" pas de camions passant devant ma maison "), d’autre part ? 

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Du débat qui s’instaure entre tous les participants, après les deux introductions évoquées ci-dessus, on peut retenir les éléments suivants : 

un participant pense que d’une manière générale le débat est très souvent pollué par 4 notions : opinion, vérité, décision, optimum, pour lesquelles il n’y a a pas d’absolu mais le recours à des mythes utilisés pour se rassurer. Il invite à relire les mémoires de Saint-Simon. 

La définition " d’usage noble ", termes employés dans des domaines divers (eau, énergie…) apparaît bien ambiguë. 

Les préoccupations des citoyens peuvent être difficiles à identifier pour les puissances publiques qui doivent par ailleurs accepter la légitimité des peurs et la difficulté des citoyens à comprendre le discours des puissances publiques. Comment bâtir un savoir commun dans des domaines comme celui de la radioactivité ? L’expérience semble toutefois prouver qu’un public peu préparé à de grands débats scientifiques et techniques peut avoir une réelle capacité à poser de bonnes questions. 

Certaines décisions des puissances publiques, appréciées très positivement au niveau global, peuvent avoir des aspects négatifs au niveau local et poser ainsi le problème des compensations. Comment définir une juste compensation sans être accusé d’acheter les consciences ? Les conséquences des décisions d’aujourd’hui sur le futur sont-elles à étudier dans la transmission à la seule génération suivante ? avec un accent particulier à mettre sur les modalités de transmission ? 

Les exemples dans l’histoire industrielle (redevances minières, procédures grands chantiers pour le nucléaire…) peuvent être des repères pour traiter les situations d’aujourd’hui (laboratoire souterrain de Bure, décharges de classe 1…) 

Le recours au juridique de plus en plus systématique aujourd’hui peut-il apparaître comme un élément positif dans la manière de traiter l’écart constaté entre les préoccupations des citoyens et les décisions à prendre par les puissances publiques ? La majorité des participants ne le pensent pas en notant l’effet paralysant sur l’économie des délais et la fragilité des conditions de jugement. L’aspect " défoulement " du recours au juridique peut toutefois être perçu comme positif. 

3. le sentiment que de nombreuses décisions du passé seraient aujourd’hui impossibles à prendre (grands barrages, centrales nucléaires, exploitation de mines et carrières, usines SEVESO…) conduit à poser la question " Qu’est-ce qui a changé ? ". Le groupe convient qu’il serait utile de chercher les éléments de réponse. Il est noté dans ce cadre que des exemples intéressants de bonne pratique administrative en matière de concertation (SPPPI, CLI, CLIS…) pourraient faire l’objet de retour d’expérience. 

La pratique actuelle de la démocratie représentative conduit-elle à des difficultés notables en matière de prises de décisions par les responsables politiques ? Le centralisme hérité des vieilles traditions de la royauté conduit-il à un refus implicite du débat ? 

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Le  4 février 2002

Préoccupations des citoyens et responsabilités des puissances publiques - deuxième réunion. 

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Le cas des expositions des travailleurs et du public associées au fonctionnement normal des installations nucléaires 

L’exposition des travailleurs et du public doit prendre en compte les problématiques suivantes : 

ê incertitude sur l’existence d’effets aux faibles doses 

irréversibilité et gravité des effets stochastiques 

controverse scientifique sur l’existence d’un seuil 

gestion du risque par les normes, et application du principe de précaution 

L’impact des rejets et des expositions professionnelles doit être mis en perspective, notamment en estimant le nombre maximal de cancers attribuables aux expositions, en termes de décès par année d’exposition : irradiation naturelle : 7 200, irradiation médicale : 3 300, irradiation environnementale : 90, irradiation professionnelle : 6 dont 4 pour l’industrie nucléaire. 

Le risque individuel moyen de décès annuel doit aussi être mis en perspective : exposition vie entière à 1mSv/an : (4,5 x 10-5), décès toutes causes : (9 x 10-3), accident de la route (1,5 x 10-4), accident du travail (4,5 x 10-5), pollution atmosphérique (2,6 x 10-5). 

Les préoccupations des citoyens semblent concerner 3 types de problèmes : 

  les cas des travailleurs itinérants, par opposition à celui des sédentaires, avec la tentation de la gestion de l’emploi par la dose ; 

  l’impact sanitaire des installations avec la controverse autour du site de La Hague et la contamination des châteaux de transport des combustibles ; 

  le débat sur les rejets " zéro " dans le cadre de la qualité de l’environnement et du développement durable. 

A partir d’une perception des risques très marquée par divers facteurs : écart entre risque objectif et risque perçu, distinction entre prise de risque individuelle et collective, communication, information et éducation… la confiance sociale se construit à partir d’éléments fondamentaux : 

   nécessité de s’en remettre aux autres et aux organisations pour la gestion des risques ; 

   existence de deux dimensions de la confiance : d’abord la " quiétude " (confidence en anglais) (relations aux organisations et aux systèmes), puis, si elle est chahutée, la " confiance sociale " (trust en anglais) (relations entre personnes, partage de valeurs pour la prise de risque). 

L’engagement collectif dans une activité à risques suppose la maîtrise des risques mais aussi la justification sociale de l’activité. Lorsque la norme n’instaure plus la " quiétude " il faut engager les acteurs dans la vigilance, la responsabilisation et le débat social pour refonder l’adhésion à l’activité. 

La responsabilité des puissances publiques est non seulement de favoriser la recherche sur les effets des faibles doses, la réflexion sur le développement durable, l’expertise et la mesure pluraliste, mais aussi d’impliquer les citoyens dans la surveillance radiologique et sanitaire autour des sites, d’assurer l’accès à l’information sur les expositions (en levant le secret médical ?) et de mettre en place un système d’indemnisation des travailleurs pour des effets fondés sur un risque attribuable. 

Du débat qui s’instaure après la présentation évoquée ci-dessus, on peut retenir les éléments suivants. 

La distinction quiétude-confiance sociale est pour l’un des participants un élément majeur de la vie en société, et l’exemple des prisons s’inscrit parfaitement dans cette problématique (cf. le livre de Michel Foucault : surveiller et punir) : la prison aurait pour objet majeur d’apporter la quiétude à nos concitoyens en matière d’insécurité. 

La norme qui devait être source de quiétude est souvent aujourd’hui hermétique, incantatoire, incompréhensible. Comment rendre intelligible la construction des normes ? 

Les études épidémiologiques posent un problème redoutable : elles font l’objet d’une demande du public alors que dans de nombreux cas elles ne peuvent aboutir. Les puissances publiques peuvent-elles ou doivent-elles en lancer ? Que signifie une étude comportant l’observation de plusieurs millions de personnes pendant 30 années pour préciser le risque engendré par une exposition à 1 mSv/an ! ? 

Les controverses et les conflits sur le risque ne sont pas dus pour l’essentiel à l’ignorance et l’irrationalité des acteurs. Ils traduisent plus certainement un déficit de confiance sociale et un questionnement sur la justification sociale des activités. 
 

La coexistence de la controverse et d’une démarche scientifique apparaît pour certains difficilement acceptable. Des interrogations peuvent concerner des points très importants : l’énergie délivrée par la radioactivité considérée comme la base du danger, avec Hiroshima et Nagasaki comme lieux d’étude en matière d’irradiation est-elle le bon indicateur ? L’hypothèse de la relation linéaire doses-effets est-elle justifiée en matière de faibles doses ?

L’importance accordée dans la construction de la confiance sociale à l’information, la communication, l’éducation, l’implication des citoyens dans la surveillance ne conduit-elle pas à s’interroger sur les missions des DRIRE, leurs moyens, la formation initiale et continue de leurs cadres ? Dans le même esprit des interrogations peuvent concerner les agences créées par l ‘Etat : travaillent-elles sur l’axe des normes ou sur l’axe des valeurs ? 

Les débats organisés avec des méthodes nouvelles (conférences de consensus – débats citoyens…) apparaissent à certains comme des outils à promouvoir, notamment pour ne pas laisser aux seuls tribunaux la capacité d’arbitrage. De la même manière il faut s’interroger sur une juste compensation pour les risques en cours. 
 
 
 

Le 12 mars 2002

Le contrôle des établissements et sites à risques et son évolution - première réunion
 

L’analyse des risques doit faire l’objet de progrès en utilisant plus pleinement qu’aujourd’hui le retour d’expérience ; ce dernier doit prendre en compte les " signaux faibles " et être " à l’écoute de l’homme posté ". 

Les procédures ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) privilégient la prise en compte des victimes à l’extérieur du site sans que les zones de danger (z1, z2) ne fassent l’objet d’un travail descriptif très élaboré (nombre de résidents…). 

Les procédures d’hygiène et sécurité des salariés et les questions de maîtrise du risque font partie d’un même continuum. En conséquence l’absence de liens fortement établis entre l’inspection du travail et l’inspection des ICPE apparaît peu acceptable. 

La sous-traitance qui se développe dans le cadre de l’externalisation des fonctions qui ne sont pas au cœur du métier des industriels a une influence sur la sécurité industrielle. Elle concerne à la fois l’inspection du travail et l’inspection des ICPE. 

Les syndicats, les représentants du personnel, les associations, les ONG sont de fait concernés par le contrôle des établissements et sites à risques ; comment peut évoluer le contrôle pour prendre en compte leur avis ? (l’expérience des délégués mineurs peut apparaître comme une référence intéressante). 

La maîtrise du risque suppose une action collective (responsabilité collective ?) : les actions de prévention doivent être déployées, comprises, organisées dans le cadre du développement d’une culture de sécurité.

L’exemple du tunnel du Mont Blanc conduit à constater la différence de culture entre l’Italie et la France (autorité de contrôle, exploitant). 

Les barrages représentent un risque réel en raison des crues, des séismes, des glissements de terrain ou lors du premier remplissage (1 ruine par an sur 150 ans pour les 10 000 barrages existants dans le monde : 35 ruptures avec plus de 100 morts, 7 ruptures avec plus de 1000 morts). En France, la conception de la réglementation est ancienne et mélange les genres (état concessionnaire, autorisant, contrôlant…). Aucun texte ne précise les exigences en matière de risque.

L’assurance peut-elle contribuer à la prévention ? Oui pour les petits risques standardisés, et non pour les grands risques type Toulouse. L’assurance emploie au total pour la France 60 personnes en matière de prévention, ce marché étant déficitaire et peu attractif. 

La décomposition des conséquences économiques du sinistre de la raffinerie de pétrole de la Mède de 1992 est la suivante : 64,4 % pour les dommages aux biens de l’entreprise, 33,5 % pour les pertes d’exploitation, 2,1 % pour la responsabilité civile (dont 0,2 % pour les victimes internes). 

Les impacts sur l’extérieur des sites sont traités par l’assurance responsabilité civile. L’assurance est de fait un collecteur d’impôt, susceptible d’intervenir dans le cadre de fonds d’indemnisation des victimes (exemple des risques naturels). 

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Du débat qui s’instaure après les introductions évoquées ci-dessus on peut mettre en relief les éléments suivants : 

il apparaît nécessaire aujourd’hui de mieux intégrer le facteur humain dans le domaine du risque et la commission parlementaire constituée après l’accident de Toulouse et présidée par François Loos, député, vient de proposer que le CHSCT (comité hygiène, sécurité et conditions de travail) soit présent en matière de contrôle. 

L’organisation du contrôle en matière nucléaire doit-elle servir de référence pour mettre en place une autorité de sécurité industrielle ayant en charge au plan national quelques centaines d’installations SEVESO ? et des sites à risques ? 

Faut-il s’interroger sur le maintien des compétences en matière de maîtrise des risques au sein des entreprises ? La sous-traitance, même à des entreprises particulièrement qualifiées, est-elle souhaitable notamment si on prend en compte le " syndrome ENRON " ? La vente d’un réacteur nucléaire par le CEA à la société SCHERING illustre-t-elle des aspects nouveaux de la maîtrise des risques et de la responsabilité ? 

L’accident de Toulouse, l’accident sur le DRAC (enfants noyés à la suite d’une vidange partielle d’un barrage) ne soulignent-il pas les problèmes de " petits risques ", de risques " mal appréciés " ? Comment objectiver les éléments du risque ? Par le recours à des échelles types INES ? Les approches probabilistes et déterministes coexistent dans l’Union européenne : est-ce souhaitable ? 

Les éléments fondamentaux en matière de sécurité industrielle apparaissent être différents d’un secteur à l’autre (nucléaire, ferroviaire, Seveso, barrages…). Le facteur humain, le recours aux automatismes ne sont pas considérés de la même manière. " Le risque sociologique " apparaît dans la formulation " si j’avais pu parler, je l’aurais dit ". La culture de sûreté ne suppose-t-elle pas un minimum de rite initiatique ?

N’y a-t-il pas un phénomène d’autocensure à propos de la proximité d’installations à risques et d’habitations, et à propos de l’absence de maîtrise réelle de l’urbanisation, chez un certain nombre de grands corps techniques de l’Etat ? 
 

Le 9 avril 2002

Le contrôle des établissements et sites à risques et son évolution - deuxième réunion 

1) Le contrôle exercé par l’Etat est " sous-critique " : la crédibilité d’un contrôle suppose évidemment une " densité minimale ", mais aussi que les situations d’écart qu’il détecte restent minoritaires et non majoritaires comme c’est le cas actuellement. 

2) La faiblesse des sanctions encourues participe à cette situation : l’industriel est le plus souvent simplement " condamné à faire enfin ce qu’il aurait du faire avant " (mise en demeure, consignation) : bref il a tout intérêt à attendre (longtemps le plus souvent !) notre venue : les autres sanctions (suspensions, suppression) sont à l’évidence d’un maniement délicat et s’apparentent à l’utilisation d’une bombe atomique dans un conflit mineur. Aucune sanction de portée intermédiaire n’est à ce jour vraiment utilisée (contre expertise partielle ou générale du site par un tiers et/ou par l’inspection, blocage d’un redémarrage après arrêt pour maintenance). 

3) Il faut développer toute forme de regard interne : l’Etat, même renforcé dans sa mission, ne saurait tout faire ; les revues internes (site ou groupe), l’implication du personnel / des CHSCT, les tierces expertises, l’implication des assureurs (communication des résultats en matière de sûreté de l’environnement) sont à développer. 

4) Le débat sur le culture de sûreté est-il le vrai débat ?…. quand la majorité des écarts constatés porte sur le non-fonctionnement ou l’absence de dispositifs déjà prescrits. 

La nécessité de discussions sur les organisations, sur le facteur humain, n’est pas en cause, mais ces discussions ne doivent pas masquer ou retarder, par leur complexité, la résolution de problèmes plus simples (et sans nul doute couteux). 

5) Le nucléaire comme modèle ? Il peut apparaître optiquement surprenant que les méthodes " nucléaires " en matière de contrôle de la sûreté aient servi de référence (positive !) aux différents rapports établis après l’accident de Toulouse : l’effet favorable du faible nombre d’industriels concernés, du caractère standardisé des installations, des moyens de l’Autorité de contrôle (facteur 10 à 100 par rapport aux ICPE) rendent évidemment l’action publique plus aisée. On peut aussi se demander si le fait qu’existe un débat sur l’opportunité même du nucléaire (et pas seulement sur ses impacts environnementaux) n’a pas eu un effet positif sur certains de ces facteurs. Le fait qu’un débat sur l’opportunité même de fabriquer des ammonitrates soit apparu dans le contexte post-Toulouse est sans doute à méditer. 

6) Vers un " réseau de contrôle " ? : Toulouse a conduit à formuler plusieurs propositions : 

         les CLI/S3PI/CLIPRT doivent pouvoir elles-mêmes contrôler les industriels (" par dessus l’Etat ") 

         les salariés/CHSCT doivent exercer leurs propres contrôles et en rendre compte à l’Etat " par dessus les industriels "

         les industriels doivent pouvoir avoir accès à ce que font, sur le terrain, leurs sous-traitants " par dessus les responsables et les contestataires " 

L’idée qu’un " bon système en matière de sûreté " doit introduire des possibilités de connexions multiples (voire de by pass) entre les acteurs est ainsi naturellement avancée ; l’image du fonctionnement du web n’est pas loin. Est-ce pertinent quand on veut parallèlement responsabiliser ces mêmes acteurs ? 

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Du débat qui s’instaure après la présentation des remarques évoquées ci-dessus et qui prolonge celui de la première réunion, on peut retenir les éléments suivants : 

La séparation existante entre l’inspection du travail et l’inspection ICPE apparaît de moins en moins acceptable pour les sites SEVESO : il semble indispensable, pour le moins, de créer des synergies entre les services de l’Etat chargés de ces 2 inspections, sans oublier le problème des maladies professionnelles (la médecine du travail, un autre point faible). 

Le document unique Hygiène et sécurité prévu par le décret du 5 novembre 2001 pourra-t-il contribuer à renouveler les méthodes de travail, notamment à conduire à des diagnostics locaux (des " sujets à ne pas louper ") ? 

Le cloisonnement entre les services administratifs, parfois même à l’intérieur d’une même entité, pose de sérieux problèmes (cas du plomb et de l’amiante et cas des conflits sociaux induisant des problèmes de prévention des accidents et des pollutions), et les exemples sont nombreux tant en France qu’à l’étranger (cf. aux USA les relations complexes en matière de radioprotection entre l’Autorité de sûreté et de radioprotection, la NRC, et l’inspection du travail). 

Le retour d’expérience est un élément essentiel de toute politique de contrôle et constitue un thème de recherche susceptible d’alimenter des formations initiales ou continues en matière de risque. 

La pression sociale qui s’exerce sur tous les acteurs en matière de risque apparaît plus forte en environnement (émissions de polluants, odeurs, bruits), avec une possibilité de mesurer et de comparer les valeurs affichées à des normes, qu’en hygiène et sécurité du travail. La publicité que donnent les autorités de contrôles à leurs actes n’est pas étrangère à l’intensité de la pression sociale. L’intégration des problèmes de risque par l’entreprise et la pression sociale apparaissent comme étant complémentaires. 

La prévention des risques et des pollutions fait-elle aujourd’hui l’objet d’une régression, après une période de progrès, qui pourrait être due à une pratique étendue de la sous-traitance, à une organisation de l’entreprise visant à diminuer le nombre de niveaux hiérarchiques, à une gouvernance marquée par une priorité absolue donnée aux aspects financiers (" mystique financière ") ? 

L’efficacité du contrôle est-elle directement liée aux sanctions ? " La peur du gendarme " dépend sans doute du nombre de contrôles et des sanctions encourues en cas d’infraction. L’efficacité du contrôle est-elle le produit de la fréquence des contrôles par l’importance des sanctions, avec deux asymptotes : d’un côté, beaucoup de contrôles sans sanctions conduisant au risque de collusion, de l’autre, peu de contrôles et la possibilité de sanctions extrêmes du type " bombe atomique " difficiles à mettre en œuvre ? Ainsi, le retrait de concession pour un barrage hydroélectrique est-il une sanction réaliste ? Le contrôle des poids lourds avec 13 % de refus et la possibilité d’empêcher la circulation du véhicule apparaît comme un système intéressant. Les sanctions pénales sont beaucoup plus difficiles à mettre en œuvre que les sanctions administratives. La force de ces dernières n’est-elle pas dépendante de la publicité qu’on peut leur donner ? 

Les difficultés rencontrées pour appliquer un certain nombre de réglementations pourraient conduire à un sentiment d’anarchie et à l’idée que " pour que ça s’arrête quelque part il faut agir sur le public : sa sensibilité, son sentiment " : comment ? 
 
 

Le 14 mai 2002

Les réseaux d’échanges internationaux dans le domaine du contrôle. 

Première réunion

Le thème des réseaux d’échanges internationaux dans le domaine du contrôle est introduit par quatre courtes contributions dont on peut retenir les éléments suivants : 

a.le nucléaire est soumis à divers types de contrôle dans le domaine international : la non-prolifération fait l’objet de contrôles stricts de la part de l’AIEA au titre du traité EURATOM, la sûreté est une responsabilité nationale, la radioprotection fait l’objet de recommandations internationales (CIPR, AIEA…) et d’un certain contrôle de la Commission Européenne. 

Les réseaux d’échange pour les autorités de contrôle des activités nucléaires sont de trois types : 

  Cadres multilatéraux avec des groupes établis ayant des objectifs précis : 

     à  l’AIEA, groupes formels chargés de proposer des recommandations de bonne pratique réglementaire ;

     à l’AEN, des groupes formels d’échange d’information technique ; 

    via la Commission européenne, des groupes informels d’échange d’information et d’harmonisation des pratiques " pour ne pas entraver la libre concurrence et la libre circulation des biens " 

  Cadres bilatéraux

    échanges libres entre homologues ; 

    tout sujet d’intérêt commun peut être discuté, avec le niveau de détail nécessaire. 

  Cadres " multi-bilatéraux "

    il s’agit d’associations construites autour d’un besoin d’échanger ; 

    ce sont souvent des associations de personnes et non pas d’organismes ; 

exemple : l’INRA, Autorités de sûreté nucléaire (ASN) d’Allemagne, Canada, Espagne, France, Japon, RU, Suède, USA est un club de discussion sur des sujets d’intérêt commun ; 

exemple : WENRA, ASN d’Allemagne, Belgique, Espagne, Finlande, France, Italie, Pays-Bas, RU, Suède, Suisse, s’est d’abord intéressée à la sûreté nucléaire dans les pays candidats à l’Union européenne et s’intéresse maintenant à l’harmonisation des approches de sûreté nucléaire pour les réacteurs électronucléaires et pour les déchets radioactifs ; 

à condition d’être correctement définies au départ, ces associations présentent les avantages des cadres multilatéraux (nombre important d’interlocuteurs, donc de points de vue) et ceux des cadres bilatéraux (liberté d’échange et possibilité d’étudier des sujets de façon approfondie). 
 

b. Dans le domaine des produits de santé (pour les hommes) des directives européennes organisent la reconnaissance mutuelle pour les autorisations de fabrication des médicaments et l’inspection des usines. L’agence européenne donne son avis sur les demandes de mise sur le marché et intervient dans les échanges internationaux (évaluation des pays tiers). Le système d’assurance qualité des systèmes d’inspection donne lieu à des audits internationaux et une convention (PEAC) permet d’étendre aux pays de l’AELE un schéma de coopération en matière d’inspection pharmaceutique. 

Un projet à l’initiative du Canada pourrait conduire à mettre en place une inspection internationale sous la houlette de l ‘OMS. De sérieuses lacunes apparaissent aujourd’hui dans le domaine du médicament, certains pays n’ayant pas le niveau de qualité indispensable. 

c. Dans le domaine de l’environnement, a été mis en place en 1991, à l’initiative des hollandais, un réseau d’inspections (IMPEL). Ce réseau qui n’est pas spécifique aux installations SEVESO donne lieu à des échanges d’expériences et des audits croisés des systèmes d’inspection, mais pas encore à des échanges d’inspecteurs. La Commission Européenne après, avoir publié en 2001 une recommandation sur les inspections, prépare une directive. L’accueil de nouveaux pays dans l’Union Européenne et les problèmes posés par le respect des quotas d’émission pour les gaz à effet de serre et par la sécurité industrielle après l’accident de Toulouse conduiront inévitablement à développer les échanges internationaux dans le domaine du contrôle pour la protection de l’environnement. 

d. Dans le domaine de l’accréditation des organismes certificateurs, le système repose sur le fait que chaque pays n’a qu’un seul accréditeur (le COFRAC en France) et qu’une coopération internationale forte permet d’harmoniser les pratiques (interprétation et guides d’application pour les normes ISO). 

Deux organismes mondiaux, l’un pour les laboratoires (ILAC : International Laboratory Accreditation Cooperation) l’autre pour les systèmes de certification (I.A.F. : International Accreditation Forum) complètent l’action au niveau européen (E.A. : European Cooperation for Accreditation). 

L’ accueil de pays en développement et la dynamique commerciale du libre échange peuvent poser de sérieux problèmes au système international d’accréditation.

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Du débat qui s’instaure après les introductions évoquées ci-dessus on peut retenir les éléments suivants : 

L’un des participants, constatant que l’accréditation porte sur le respect d’un référentiel, et notant la très faible participation des consommateurs à l’ensemble du processus, n’hésite pas à parler de " certification du mensonge ". Il est convenu que ce point sera revu dans les prochaines réunions du groupe consacrées au thème " Normes et confiance ". 

Les objectifs des réseaux d’échanges internationaux apparaissent multiples : échange d’information, harmonisation des pratiques, établissement d’un système unifié. Est-il souhaitable de mettre en place une inspection commune de préférence à une pratique renforcée de " benchmarking " ? 

Les réseaux d’échanges européens dans le domaine du contrôle trouvent-ils une limite à leur efficacité dans les aspects politiques de la construction européenne ? Une Europe fédérale donnerait-elle la possibilité de développer un système plus performant de contrôle dans tous les domaines ? 

Les lacunes constatées aujourd’hui dans divers pays et pour différents domaines posent le problème des sanctions. Que fait par exemple un pays pour éviter sur son territoire l’utilisation de médicaments peu fiables ? 

Les problèmes posés pour le contrôle ne se retrouvent-ils pas en matière de régulation ? Quel rôle jouent aujourd’hui les clubs d’Autorités de régulation au niveau de l’Europe ? 

Dans le domaine des sites SEVESO, la Commission Européenne marque sa volonté de contrôler toujours davantage ce que font les Etats membres et dispose pour cela d’un bureau des accidents majeurs du centre de recherche d’ISPRA. Le souci de l’Europe de se positionner face aux USA devrait conduire à rapprocher les méthodes des différents pays (approche probabiliste, déterministe ; prise en compte de l’urbanisation…). 
 
 

Le 11 juin 2002

Les réseaux d’échanges internationaux dans le domaine du contrôle. 

Deuxième réunion

Le thème des réseaux d’échanges internationaux dans le domaine du contrôle fait l’objet d’une seconde réunion introduite par une courte contribution relative à la coordination sanitaire internationale pour le contrôle des animaux et des produits et denrées. Cette contribution s’ajoute à celles présentées le 14 mai et relatives au nucléaire, aux produits de santé, à l’environnement et à l’accréditation des organismes certificateurs.

De cette contribution on peut retenir les éléments suivants :

- dans le cadre du marché unique les animaux, les produits et denrées circulent librement, avec une protection aux frontières, en application de 4 directives qui organisent le contrôle sanitaire ;

- le contrôle est organisé sur la base d’une attention portée à l’origine des produits (élevages / établissements), à la destination (identification du destinataire), à la connaissance des mouvements. Le contrôle est aléatoire. Un système informatique européen prend en compte les informations de l’unité sanitaire locale (Direction départementale des services vétérinaires pour la France) et permet un échange d’information avant tout mouvement d’animaux vivants ou de produits à risque ;

- pour les échanges avec les pays tiers, 250 points d’entrée ont été définis (30 pour la France) mais le réseau informatique prévu depuis 1992 n’est pas opérationnel ;

- dans le cadre du Livre blanc de janvier 2000 l’Union européenne a adopté des principes généraux pour le contrôle sanitaire et créé une autorité européenne de sécurité des aliments. Le système d’alerte qui existait a été étendu à l’alimentation des animaux ;

- l’office international des épizooties publie chaque semaine des informations et des bulletins d’alerte si nécessaire ;

- l’OMS et la FAO organisent une conférence paneuropéenne en matière de contrôle sans être en mesure de couvrir le monde entier car la réciprocité est impossible.
 

Après cette contribution, le débat commencé lors de la réunion précédente reprend et aborde notamment les points suivants :

- les pratiques de contrôle au sein de l’Union européenne ne restent-elles pas très différentes d’un pays à l’autre ?  Les dispositifs peuvent en effet être centralisés ou décentralisés, publics ou privés, correspondre à des approches intégrées ou non. L’exemple du blé allemand contaminé au NITROFEN est cité comme le résultat d’un contrôle laissé à la responsabilité des Länder. Les 3 niveaux d’inspection au Japon pour les médicaments ne permettent pas d’avoir un contrôle cohérent ;

- les conditions à remplir pour un contrôle efficace : importance des moyens mis en œuvre, volonté politique, exploitation des résultats font l’objet d’interrogations. L’exemple particulier des vétérinaires chargés dans les départements des contrôles sanitaires est relevé car ceux-ci disposent dans le cadre du code rural d’un mandat vétérinaire leur permettant de collaborer avec les 8000 vétérinaires du secteur privé ;

- l’ouverture du marché unique ne conduit-elle pas à augmenter fortement les risques de fraude dans beaucoup de domaines ? Les administrations chargées des contrôles ont-elle réagi, notamment les services des douanes ?  Un contrôle  s’exercant dans le cadre de structures départementales ou régionales est-il adapté pour faire face « à de véritables truands bien organisés à l’échelon européen» ?

- l’expérience d’un pays est difficile à transposer dans un autre pays malgré la qualité et la quantité des éléments scientifiques et techniques. Il a fallu attendre 2000 pour que certains pays « découvrent » l’ESB malgré les éléments disponibles depuis 1991. Les USA ont mis 10 ans pour prendre en compte les données françaises relatives aux couvercles de cuve pour les réacteurs nucléaires ;

- un certain nombre de points abordés dans cette réunion et la précédente seront repris dans les deux réunions suivantes, consacrées au thème : « Norme et confiance ».
 
 

Le 10 septembre 2002

Normes et confiance

Première réunion

Le thème norme et confiance est introduit par 3 courtes contributions dont on peut retenir les éléments suivants :

- les normes constituent un outil de travail privilégié pour l’évaluation et la gestion des risques, mais c’est un outil contesté ;

- en schématisant on peut distinguer 3 domaines d’application de la normalisation :

   *  le domaine de l’organisation et du développement des échanges (qualification des activités et
des produits, standardisation des systèmes et produits …) ;

   *  le domaine de l’évaluation et de la gestion des risques naturels ou des risques d’accidents liés aux activités humaines : l’approche habituelle s’organise autour de scénarios faisant la part belle à la « mathématisation » de l’incertitude ; 

   *  le domaine de l’évaluation des risques pour la santé liés à notre environnement, en particulier celui des pollutions entraînées par les activités humaines.

- Dans le débat engagé sur les normes, des travaux peuvent être soulignés :

   *  ceux du groupe TRUSTNET au sein de l’Union Européenne conduisant au thème
      d’une nouvelle gouvernance  du risque ;

   * ceux du juge BREYER aux USA introduisant l’idée d’un cercle vicieux en matière de risque : les trois composantes perception du public, réaction des élus, fonctionnement du processus réglementaire confronté aux incertitudes se renforcent avec un effet cumulatif ;

   * ceux réalisés pour le Congrès américain en matière de dépollution des sols et proposant une approche renouvelée avec une implication forte des parties prenantes dès l’évaluation et une prise en compte du contexte global d’exposition ;

   * ceux du groupe épistémologie des Cindyniques.
 

- Devant l’importance prise par l’aspect de santé publique, ne conviendrait-il pas de donner le rôle principal aux responsables de cette mission (définition des enjeux – quelles études épidémiologiques ?…) et d’élargir la vision à l’ensemble de la planète ?

- la norme est de fait « un outil pour se simplifier la vie » permettant d’éviter le cas par cas en adoptant une règle universelle. Elle doit ou devrait créer la quiétude, élément de confiance au même titre que le partage des valeurs : « normalement on s’installe dans la quiétude ».

- la fixation de la norme devient complexe en situation d’incertitude (débat chez les scientifiques et les experts) et la norme peut être présentée comme le rapport entre le risque acceptable et la connaissance scientifique. Comment quantifier et comparer les risques ? Peut-on mettre en débat la construction de la norme et trouver des lieux pour ouvrir les débats ?

- L’AFNOR considère que la normalisation joue d’ores et déjà un rôle important en matière d’évaluation et de maîtrise du risque, qu’il s’agisse de normes harmonisées venant en appui d’une directive  nouvelle approche de l’UE, de normes de qualité ou plus généralement de normes de spécifications techniques.

- Depuis un an l’AFNOR conduit un débat pour valoriser le corpus normatif existant (4 documents couvrent correctement le domaine des risques : les guides ISO CEI 73 et 51 et des normes génériques australiennes et japonaises), communique sur les référentiels « risques » existants et rassemble les communautés en matière de risques (faciliter le dialogue entre l’entreprise, ses salariés, les inspections de l’Etat, les assurances, les agences de notation environnementale…).

- Le document stratégique en préparation à l’AFNOR devrait contribuer à renforcer la confiance dans la normalisation, avec un processus permanent de travail avec les associations de consommateurs et les ONG et en tirant profit de démarches qualité s’appuyant sur des objectifs fixés par l’Etat (étude sur 7 villes de l’Ouest de la France en matière de qualité du service de l’eau).
 

Du débat qui s’instaure après les introductions évoquées ci-dessus, on peut retenir  les éléments suivants :

- peut-on avoir confiance dans les normes ? Plusieurs participants citent des exemples négatifs : des normes allemandes DIN apparaissant comme un moyen pour développer l’industrie allemande, une norme européenne sur la teneur en plomb de l’eau potable adaptée dans des conditions peu claires, des labels pour les viandes peu crédibles pour le consommateur, les normes comptables bafouées, etc…  Il est fait état par ailleurs des difficultés rencontrées par les administrations françaises pour être actives dans l’élaboration des normes européennes ;
 

- La relation norme-santé fait l’objet de jugements sévères : « hypocrisie », « profond malaise », « véritable angoisse ». Certains sujets type dioxine, radioactivité, souffrent d’une absence de débat permettant de situer vigilance et quiétude dans le cadre d’une culture du risque, où la norme pourrait devenir le risque que nous acceptons de prendre ensemble… L’absence d’informations sérieuses sur certains sujets : les maladies dûes à une hospitalisation, la légionellose, les risques liés à la pollution atmosphérique,  créé la méfiance.

- La relation entre la norme et les pouvoirs publics fait l’objet d’interrogations : ISO 14 000 et contrôle des ICPE, norme et risques résiduels (« la norme est respectée, donc ce n’est pas dangereux ! », prise en compte de la normalisation par la justice, par les médias, etc...

- La relation entre norme et innovation (exemple des antennes URTS) fait l’objet d’interrogations : quels sont les acteurs à réunir pour fixer une norme ?  Le retour d’expérience peut-il remettre en cause brutalement une norme ?

- La norme et la confiance s’établissent à des niveaux très différents. La norme est reliée à la mondialisation, la confiance et le vivre ensemble s’établissent au niveau local. Faut-il pour la normalisation « fixer des plages et tricoter au niveau local » ?  A quel collectif se sent-on appartenir ?

- La quiétude s’établit à la frontière du rationnel et de l’irrationnel, la résignation et le scepticisme sont à redouter. Le système éducatif peut-il contribuer à permettre le débat, dans des lieux qui restent à trouver ?
 

Le  8 octobre 2002
 

Normes et confiance

Deuxième réunion

Le thème norme et confiance fait l’objet d’une seconde réunion introduite par la présentation des aspects suivants :

- Dans le domaine du risque sanitaire en France, peut-on associer norme et confiance, compte tenu du retard de la capacité scientifique à évaluer les conséquences sanitaires d’un risque, des très grandes difficultés dans le domaine de l’épidémiologie, notamment en ce qui concerne les faibles doses, et d’une quasi impossibilité à redéfinir la formation des médecins ?

- La prédominance des sciences bio-moléculaires a pour conséquence une très faible contribution des sciences humaines et sociales à la formation des médecins et en matière de santé publique : à titre d’exemple est relevée la faible contribution des sociologues à la politique de santé publique (cf. la politique de lutte contre le SIDA, sans bonne connaissance des communautés homosexuelles).

- L’équation bénéfice/risque dans le domaine sanitaire se pratique rarement de façon équilibrée car il est plus facile soit de considérer que le bénéfice est toujours existant (ex. des transfusions de confort) soit que le risque est inévitable.

- Le débat est aujourd’hui nécessaire en matière de santé publique pour créer la confiance, mais il y a une tentation très forte de « mettre le principe de précaution à toutes les sauces » pour l’éviter.

- Dans le domaine de la sécurité alimentaire la norme peut dans des domaines comme celui de l’emballage des produits permettre de baliser le terrain mais est impossible à promouvoir dans d’autres, ESB et consommation de viande bovine, OGM, allergènes, épidémiologie nutritionnelle.

- L’avis rendu récemment par l’AFSSA en matière d’importation d’animaux anglais a été bien reçu par les français, la confiance apparaissant retrouvée. Le rapport de l’AFSSA a été mis sur Internet pour éviter d’avoir à gérer tout problème de fuite. 

- En matière d’OGM, les contrôles faits par la DGCCRF, dans le cadre de méthodes d’échantillonnage et de détection bien définies, conduisent à considérer que la moindre trace s’inscrit en termes « d’empoisonnement public ».

- L’épidémiologie nutritionnelle ne peut conduire à des normes que sur la périphérie du système car il existe de très nombreux phénomènes invasifs, instables, dans un domaine où seule la connaissance partagée peut conduire à la confiance.
 

Du débat qui s’instaure après la présentation évoquée ci-dessus, on peut retenir les éléments suivants :

- la norme peut prendre l’aspect d’un couperet (un taux maximal de nitrate pour l’eau potable : élément intangible pour le juge) alors qu’un fonctionnement du type feu tricolore ou par seuil d’alerte pourrait être souhaité. L’existence de normes différentes pour le public et les travailleurs (cas de la radioactivité) ne peut que susciter un débat difficile. La rationalité  de certaines normalisations (ex : le plomb dans l’eau potable) peut faire l’objet d’interrogations. Le protocole d’application de certaines normes devrait être réexaminé régulièrement (ex. de l’insecticide GAUCHO et de son influence possible sur les abeilles).
Comment éviter de donner une valeur mythique à certains seuils fixés par la normalisation ? Faut-il imaginer un « système après-vente » pour les normes ?

- La fonction épidémiologique apparaît essentielle en termes de confiance, mais difficile à mettre en œuvre. L’énorme appétit pour l’épidémiologie manifesté notamment par les associations de défense de l’environnement peut-il être satisfait ?  A priori très difficilement, car des études sérieuses sont longues et doivent porter sur de très nombreux sujets. La fonction épidémiologique française apparaît très faible et devant les difficultés rencontrées se pose la question de créer « un INSEE de la Santé ».

- « un je ne sais pas » libérateur est-il envisageable face à des questions sans réponse avérée ? ; le doute est-il affichable ? Le rôle de l’Etat n’est-il pas de rassurer ? Le médecin peut-il faire état de ses doutes en présence de son patient ? Le passage du « on sait tout » à « on ne sait rien » n’apparaît guère possible. 

Ces questions sont au cœur de la relation de confiance que cherchent à établir les puissances publiques avec les citoyens.

- Le rôle de l’éducation est fondamental en matière de confiance. La présentation de la science aux jeunes élèves devrait leur permettre de « fréquenter le doute ».
Les travaux d’initiative personnelle pratiqués aujourd’hui dans certaines classes sont de ce point de vue un élément intéressant.

- Dans le domaine sanitaire la mesure la plus efficace ne serait-elle pas aujourd’hui d’augmenter le nombre de médecins généralistes en incluant dans leur formation initiale et permanente des sciences humaines ?
 
 

Le 21 Novembre 2002

L’expertise scientifique

Première réunion
 

Le thème de l’expertise scientifique est introduit par 4 courtes contributions dont on peut retenir les éléments suivants : 

- Pour réaliser de bonnes expertises, 4 principes sont évoqués :

- la pertinence de la source d’expertise : pluralité et capacité à assembler des savoirs…

- qualité de la relation entre l’expert et le demandeur : clarté des rôles de chacun, modes de financement, délais,  ainsi il est important de savoir si la question posée, dans le cas de la vache folle, est : « la viande britannique est-elle dangereuse ? » ou « la viande britannique est-elle plus dangereuse que les autres ?»

- qualité de la relation avec les parties prenantes, débat apaisé, recherche du consensus, confidentialité de certains débats, des connaissances dans tous les milieux : « il y a des gens très bien chez les riverains d’une installation »…

- accessibilité du résultat de l’expertise dans un délai raisonnable, lisibilité….

- L’expert sous le feu des médias peut devenir un oracle, une star ; en sens inverse, la compétence et l’indépendance de l’expert sont facilement aujourd’hui mises en doute (cf. la question du financement du CEDRE lors de la catastrophe de l’ERIKA). Il est demandé à l’expert d’être un médiateur entre la communauté scientifique, les pouvoirs publics et les citoyens. 

L’expertise collective, « institutionnelle », bâtie par un chef de projet capable de s’assurer de la cohérence entre les différents avis, apparaît d’autant plus intéressante qu’elle est le fait d’experts ayant bénéficié d’un véritable « apprentissage de l’expertise » et de retours d’expérience . Il pourrait être envisagé d’organiser des  « cercles d’échanges d’expériences » entre des experts sur certains thèmes (ex. les ICPE).

- Les liens entre l’expertise et la recherche sont indispensables ; mais faut-il être expert à plein temps ou au contraire alimenter la curiosité de l’expert par une activité de recherche ? Les avis sont partagés.

- L’expertise doit permettre de donner confiance. Cette  confiance suppose que les rôles soient bien définis entre le demandeur et l’expert avec éventuellement la rédaction d’une charte entre les parties ; elles suppose aussi que les résultats soient accessibles pour les citoyens et formulés pour être compréhensibles.

- La responsabilité de l’expert face aux tribunaux, une responsabilité sans faute, peut conduire à éviter « d’élargir le regard » pour ne pas déplaire aux pouvoirs publics ou à la communauté scientifique. Le mythe de la transparence trouve ici des limites (dossier de la vache folle ?).

-  Les situations d’urgence, « l’expertise à chaud » sont particulièrement difficiles à traiter, 
     notamment quand il faut dire « nous ne savons pas ».

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Du débat qui s’instaure après les introductions évoquées ci-dessus, on peut retenir les éléments suivants :

- le retour d’expérience en matière d’expertise devrait être encouragé car il s’agit très certainement d’une matière intéressante en termes de théorie de la décision (les expertises judiciaires sont inaccessibles ; des travaux intéressants dans le domaine médical).

- Les experts choisis par des opposants aux puissances publiques peuvent tenir des rôles très différents en fonction de paramètres très divers, avec un poids certainement important des antagonismes plongeant leurs racines dans l’inconscient collectif.

- L’indépendance des experts peut-elle être un substitut à la compétence, comme la non transparence serait l’apanage des autorités ?

- L’exemple de l’étude sur les leucémies du Nord Cotentin illustre la possibilité de voir les demandeurs, ici des associations, devenir acteurs d’une réflexion collective.

- L’expertise peut jouer un rôle considérable pour faire accepter le risque sans qu’il soit envisagé bien entendu « d’acheter la paix » : la gestion de la frontière entre ces deux situations n’apparaît guère facile.

- Les cercles d’échanges d’expériences entre les experts existent en Allemagne sur la base des « bonnes pratiques » et sont des points de passage obligés pour obtenir l’agrément des pouvoirs publics. Les Ecoles d’ingénieurs, les universités, les sociétés savantes peuvent-elles être des lieux d’échanges d’expériences entre les experts ? Des participants répondent positivement en citant des exemples.

- Le thème des publications est évoqué pour différencier les experts et les chercheurs, et il est rappelé que les experts en indiquant leurs sources font preuve d’une grande prudence en matière de responsabilité pénale. Certains participants évoquent des effets pervers possibles d’une obligation de publication des expertises.

- La relation entre l’expertise et la hiérarchisation des risques conduit l’un des participants à dire « on regarde là où il faut médiatiquement regarder » et un autre à dire que le choix entre réparation et justification est de nature politique. Un panorama économique des risques peut-il être demandé à des experts ?. Ainsi, le prix de l’eau n’a jamais été intégré aux travaux d’experts dans le domaine de l’eau.
 
 
 

10 décembre 2002

L’expertise scientifique.

Deuxième réunion

Le débat sur le thème de l’expertise scientifique, commencé lors de la réunion du 21 novembre 2002, se poursuit et conduit à mettre en relief les éléments suivants :

L’expertise fait l’objet de travaux dans le cadre de comités nationaux : Comité national de sécurité sanitaire (critères, méthodes et procédures utilisés dans les processus de décision de sécurité sanitaire), Comité de la prévention des pollutions (ministère chargé de l’environnement). L’expertise fait aussi régulièrement l’objet d’articles dans la presse (ex. Les Echos le 9 décembre 2002 : l’expert peut-il dénouer les controverses technologiques ? – Le Monde le 1er décembre 2002 : inspecteur de l’ONU et membre d’un coalition sado-maso).

La notion de transparence en matière d’expertise fait l’objet de plusieurs interrogations :

- devant les actes de malveillance et de terrorisme faut-il, peut-on, évoquer le secret-défense (sur le web, il circule des informations sur l’utilisation de missiles contre les installations nucléaires) ? Des positions cohérentes sur un tel sujet peuvent-elles être définies par plusieurs autorités françaises, européennes, internationales ?

- l’expert peut-il invoquer le secret professionnel pour ne pas dévoiler l’ensemble de ses sources ? Certains dossiers d’enquête publique, notamment pour les ICPE, ont parfois perdu une partie de leur crédibilité par un usage extensif du secret professionnel ;

- " l’expert doit-il parfois se taire " devant les conséquences qu’aurait une information difficile à maîtriser sur des sujets du type de la transmission de virus à l’homme ?

- les puissances publiques ont à prendre en compte deux réalités : la réalité technique et scientifique (les experts doivent l’exprimer en s’appuyant sur les connaissance rassemblées et en tenant compte des incertitudes qui sont le terreau de la recherche) et la réalité sociale (comment être à l’écoute des populations au-delà de sondages réducteurs ?) ;

- les sociétés développées apparaissent fragiles, vulnérables (quelques personnes avec des moyens presque dérisoires avaient le projet de mettre en péril le réseau électrique européen). Le choix entre l’optimum économique et l’optimum stratégique avec la tentation très à la mode de privilégier le premier conduit à accroître la vulnérabilité. Les puissances publiques doivent désormais se méfier des scénarii improbables ;

- la notion d’ " expert militant " conduit à s’interroger sur le bon usage des experts : comment constituer un panel d’experts ? Il n’y a plus d’expert universel ! Il existe des familles de pensée (quelles différences entre les poudriers et les chimistes ?). Faut-il promouvoir les chartes de l’expertise ?

- que représentent dans le cadre de l’expertise les avis des académies nationales : académie des sciences et notamment le CADAS, académie de médecine ? Dans un certain nombre de pays, les travaux de grandes universités, type Cambridge, Stanford, font autorité. En France il n’y a pas ce type de point d’excellence. L’expertise est-elle monopolisée par de grands organismes type INSERM, CEA, INRA ?

Les autorités administratives indépendantes, AAI, jouent un rôle très particulier dans le domaine de l’expertise. Elles peuvent être l’expert qui donne les éléments pour une décision politique, l’expert qui prépare la décision, l’expert qui décide. Sont-elles parfois ou souvent un paratonnerre pour l’Etat ? La multiplication des AAI conduit-elle inévitablement à la cacophonie ? Des chercheurs étudiant la morphologie des AAI évoquent le flou du modèle et notent que le sujet n’est pas spécifiquement français mais européen.
 
 

14 janvier 2003

La communication dans le domaine du risque industriel. 

Première réunion

Le thème de la communication dans le domaine du risque industriel est introduit par 4 courtes introductions dont on peut retenir les éléments suivants :

- l’accident de Toulouse a montré que, face au parfait message clair du collectif associatif " PLUS JAMAIS CA ", les industriels et les pouvoirs publics avaient beaucoup de peine à communiquer avec le public : aucun expert de la chimie ne souhaitait parler, la puissance publique se présentait sous des facettes multiples, il est difficile de dire " on ne connaissait pas ce risque d’explosion " et de tenir en même temps un discours rationnel sur la maîtrise du risque, l’image très négative d’un produit comme le phosgène a joué , etc… 

- Il a montré aussi que l’absence d’indicateur clair en matière de risque et la discussion focalisée sur les problèmes de définition de zones Z1 et Z 2 associés aux probabilités conduiraient à donner le pourvoir de décision de fait à l’opinion publique sans tenir compte des problèmes technologiques (améliorations possibles), sociales (pertes d’emploi) et économiques.

- La comparaison des pratiques de communication entre le domaine nucléaire et celui des ICPE met en lumière des différences assez considérables qui ne peuvent être qu’en partie justifiées par les différences de structure des secteurs (58 tranches électronucléaires semblables, des centaines de sites dissemblables) :

- existence d’échelles de gravité et règles de communication mieux établie dans le nucléaire ;

- des lieux de débat public, CLI et SPPPI, très différents avec une participation financière des industriels pour les SPPPI ;

La publication des actes administratifs : pratique classique pour les ICPE par les préfectures et utilisation progressive d’Internet pour les 2 secteurs ;

- les lettres de suite d’inspection sont publiées dans le nucléaire ;

- la publicité donnée aux sanctions : nombreuses sanctions au stade du PV pour les ICPE, sanctions exceptionnelles et pas par PV pour le nucléaire.

La communication des DRIRE les conduit à prendre en compte 3 aspects distincts : 

- l’obligation générale d’informer : prise en compte sans problème particulier

- la diffusion de compte rendus d’activité avec la possibilité d’être jugé ( !)

- l’organisation du débat public en admettant qu’il puisse avoir une influence sur les décisions à prendre.
 

Cette pratique de la communication conduit à certaines questions :

- faut-il rendre visible le débat interne aux administrations ?

- faut-il accepter que l’industriel puisse " s’appuyer sur le gendarme " et voir l’avis de la DRIRE devenir " envahissant et monopolistique " ?

La responsabilité des Préfets est très nettement engagée en matière de communication sur les risques industriels. Leur tendance est parfois grande de donner la priorité aux aspects " ordre public " au détriment de l’information.

Pour les journalistes, la communication en matière de risque nucléaire est tributaire de 4 sources : les exploitants, les Autorités de sûreté, les experts indépendants et les responsables politiques. Devant l’incertitude scientifique il leur est difficile d’évoquer le niveau de risque ou l’absence de risque. Aux USA la NRC peut apparaître comme un modèle de transparence, mais devant la multitude des informations disponibles, notamment sur Internet, comment le public peut-il se faire une opinion ? La multiplication des indicateurs de performance peut apparaître moins opérationnelle que l’échelle de gravité utilisée en Europe.

La confiance dans les activités à risque suppose une certaine pratique de la transparence et du débat public.

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Du débat qui s’instaure après les introductions évoquées ci-dessus, on peut retenir les éléments suivants :

- il y a lieu de bien faire la différence entre la communication institutionnelle et la communication de crise ; cette dernière n’a pas la moindre chance de pouvoir être efficace si la communication institutionnelle n’a pas permis très en amont de créer les réseaux de relations indispensables ;

- les problèmes d’urbanisation rencontrés en matière de risque industriel résultent pour une large part d’une pratique industrielle conduisant à loger le personnel près de l’usine avec une tendance très forte à ne pas savoir gérer dans le temps les profondes modifications marquant l’usage du patrimoine immobilier ;

- dans un cas comme celui de Toulouse, la DRIRE perd une large partie de sa crédibilité, chaque membre du personnel vivant un échec ressenti comme personnel. Pour remonter la pente, rendre tous les dossiers accessibles au public, en refusant tout aspect confidentiel aux industriels, est-il indispensable ? possible ? souhaitable ?

- le rappel du principe que la responsabilité première est celle de l’industriel oblige l’administration de contrôle à s’interroger sur la manière dont elle communique sur les incidents et sur les écarts constatés dans l’application de la réglementation ;

- un certain nombre de mots utilisés couramment apparaissent " piégés " : danger (ou risque) – transparence – expert – confidentiel – probabilité (les scientifiques auraient-ils tendance à faire croire que les calculs de probabilité sont une vérité ?) – acceptabilité du risque…

- la lutte contre le terrorisme peut désormais avoir une influence en matière de communication sur le risque industriel. Peut-on déjà craindre des excès (interdiction de journées portes ouvertes pour les usines) ?
 
 

6 février 2003

La communication dans le domaine du risque industriel. 

Deuxième réunion

La séance du 6 février a permis de prolonger les discussions entamées le 14 janvier sur le thème de la communication dans le domaine du risque industriel. La séance a débuté par deux courtes introductions dont on retiendra les points suivants :

De la catastrophe de l’Erika et de la communication gouvernementale à laquelle elle a donné lieu on peut tirer un certain nombre d’enseignements : 

- Anticiper la crise par des structures de gestion de crise

- Prendre le temps de la réflexion et du débat avant d’entamer la communication

- Rester dans le champ de la catastrophe sans chercher à la relativiser

- Eviter toute expression autre que l’expression autorisée (le ministre ou son porte-parole)

- Organiser la remontée de l’information depuis le terrain (les associations, les élus…)

- Savoir se taire et gérer la rareté

- Assurer la cohésion gouvernementale

- Avoir un planning global, une stratégie de déplacement et de prises de parole

- Dans le domaine du contrôle de la sécurité des ICPE :

on préfère distinguer l’information de la communication, le terme " information " renvoyant à des messages a priori plus objectifs. La participation du public et son information sont des conditions nécessaires de la connaissance, voire de l’acceptation, du risque résiduel, risque qui ne peut pas être réduit à zéro malgré la priorité donnée à la prévention des pollutions à la source.

Le projet de loi sur les risques majeurs adopté en Conseil des ministres et en cours de discussion au Parlement présente plusieurs avancées en terme d’information autour des installations Seveso :

- La création de comités locaux d’information et de concertation (CLIC)

- L’implication des CHSCT dans la gestion des risques

- L’obligation d’une réunion publique pendant les enquêtes publiques

- L’obligation de mention du risque technologique dans les transactions immobilières

Au-delà du projet de loi en discussion, les réflexions se poursuivent sur le contenu même de l’information autour des ICPE :

- l’information sur le risque nécessite des efforts importants de pédagogie, par exemple dans les dossiers d’enquête publique : il faut présenter les nuisances et les accidents avec leur cinétique, leur probabilité, leur gravité…

- l’information sur les incidents et les accidents survenus doit être améliorée : jusqu’à présent les industriels communiquent peu, mais les syndicats et les journalistes s’y intéressent de plus en plus. Une simplification de l’échelle de gravité est en cours.

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Du débat qui s’instaure après les introductions évoquées ci-dessus, on peut retenir les éléments suivants :

- l’émetteur d’information doit créer la confiance avec les médias et le public à froid, en amont des crises. C’est ce capital de confiance qui va permettre d’être écouté et entendu en temps de crise ; 

- en temps de crise, ce ne sont pas les décrets d’attribution des ministres qui décident de l’émetteur, mais les micros que pointent les journalistes vers l’un ou vers l’autre ;

- en plus de cette communication à froid, il faut se préparer aux situations d’urgence dans leur volet technique, de protection des populations, et dans leur volet, médiatique, d’information des médias et du public ;

- la question de savoir qui doit piloter cette préparation est posée : les cabinets ministériels, des cellules ministérielles ou interministérielles dédiées, les services d’administration centrale et déconcentrée ? Il y a un double souci : être suffisamment proche du décideur qui devra conduire la crise, être en mesure de capitaliser dans le temps l’expérience acquise ;

- d’un certain point de vue sociologique, la préparation de l’urgence est un sujet impossible : les politiques sont dans l’urgence et n’ont donc pas le temps de la préparer, les universitaires ne peuvent pas s’en saisir car l’urgence rend les comportements imprévisibles, la population ne veut pas s’en saisir car appliquer toutes les mesures de protection nécessaires pour vivre sans risque rendrait la vie tout simplement impossible, etc…

- plusieurs options sont envisagées pour donner, malgré tout, le cap en situation de crise : les consultants externes, le savoir universitaire, l’homme politique. A propos des consultants externes deux options sont évoquées : les consultants spécialisés sur la gestion des situations d’urgence et ceux spécialisés sur la communication, que ce soit à froid ou en temps de crise ;

- le rôle que les commissions locales d’information peuvent jouer en situation de crise comme à froid, en particulier quand elles sont présidées par des élus, est aussi souligné : c’est un lieu de concertation, plus serein que la réunion publique, mais assez ouvert pour engager le dialogue, lever certaines incompréhensions, désamorcer certains conflits, même si le but de la concertation ne peut pas être d’aboutir à un consensus entre des parties qui ont des intérêts objectivement différents ;

- c’est pourquoi la concertation ne peut être conçue que comme un préalable à la décision, qui reste du ressort des pouvoirs publics ; le rôle que le projet de loi entend confier aux CLIC en matière de zones d’expropriation, de délaissement et d’urbanisation illustre cette idée ;

- l’existence des commissions locales induit aussi des modifications de comportement : elles mettent une pression sur les industriels et sur les administrations pour une plus grande transparence ; elles permettent de créer et de développer des viviers de connaissance sur le risque industriel dans le milieu des associations et parmi les journalistes ;

- pour autant, le travail sur la pédagogie du risque doit continuer : si l’assertion " le risque zéro n’existe pas " semble couramment employée, et peut-être même comprise, la question " y a-t-il un risque ? " est fréquemment posée et les discours sur les faibles doses de nuisances, les probabilités d’accidents ou la responsabilité sans faute ne sont toujours pas (encore ?) audibles alors que ces notions sont pourtant au cœur de la maîtrise des risques ;

- avec un peu de recul historique on s’aperçoit que l’administration, parfois de gré, parfois de force, a malgré tout déjà fait des progrès importants depuis l’époque ancienne où un ministre recommandait une double stratégie de communication : le théorème de la " terre brûlée " (on ne discute pas avec les opposants) complété du lemme de " l’hirsute " (on trouve un opposant maladroit et mal vêtu et on le fait passer à la télévision) ;

- la pression doit néanmoins être maintenue car la tentation d’opacité reste grande, comme on peut le voir chez certains industriels qui suggèrent de ne plus informer la population au motif que toute information augmente le risque d’actes de malveillance : l’information sur la sécurité ne doit certes pas se faire au détriment de la sécurité elle-même, mais cela ne doit pas être un prétexte pour ne plus informer sur rien. Un équilibre délicat est à trouver.