Henri Prévot        

 Confucius
Entretiens avec ses disciples 

Extraits en relation avec le thème du Forum confiance
dans un monde incertain, la place de la confiance, le rôle de l'Etat

Edition GF Flammarion
 

I.13 : "A juste foi due, paroles tenues ! Respect conforme à la courtoisie éloigne honte et avanies. Aussi, qui n'a point failli à ses proches, demeure toujours acceptable", dit Maître You

II.1 : "Gouverner en vertu de sa force morale", dit le maître, "c'est se comporter comme l'étoile polaire : elle demeure à sa place, tandis que la foule des astres lui rend hommage".

II.3 : "Dirigez-le à coups de règlements, maintenez-le dans le rang des châtiments", dit le Maître, "le peuple les esquivera sans vergogne. Menez-le par la vertu, maintenez-le en ordre par la courtoisie : il sera vergogneux et scrupuleux".

II.10 : "Regarde comment il se comporte, considère ses motivations, examine ce qui l'apaise : que peut nous cacher l'homme, que peut-il cacher !" disait le Maître.

II.13 : Comme Zigong lui demandait ce qu'il entendait par "l'homme de qualité, le Maître lui répondit : "C'est l'homme qui commence par pratiquer ce qu'il prône et ensuite s'y tient".

II.19 : (…) Confucius répondit : "Le peuple sera soumis si vous promouvez des gens droits pour les placer au-dessus des retors ; dans le cas contraire il ne le sera point".

II.20 : Le sire Ji-Kang demandait comment rendre le peuple respectueux, loyal et zélé. "Approchez-le avec gravité, il sera respectueux. Montrez-vous fils pieux et père aiment, il vous sera ficèle. Elevez les bons, éduquez les incompétents : il sera zélé."

II.22 : "Un homme sans foi, je me demande à quoi il peut être bon : comment ferait-on rouler une charrette sans rien pour fixer le joug aux limons ou une carriole sans la fixation du timon ?" Dit le Maître.

II.24 : (…) "Voir ce qu'il serait juste de faire sans agir, est de la lâcheté".

III.3 : "A quoi bon les rites, si l'homme est sans humanité, à quoi bon la musique, si l'homme est sans humanité ?" disait le Maître.

III.17 : Zigong aurait voulu supprimer le sacrifice du mouton de l'annonce à la nouvelle lune. "Mon cher Ci", lui dit le Maître, "tu tiens à ton mouton, mais moi je tiens à ma cérémonie !".

III.19 : Comme le duc Ding demandait de quelle manière le souverain devait commander à ses serviteurs et ceux-ci le servir, Confucius répondit : "Il les traite avec courtoisie et les ministres le servent avec loyauté".

IV.2 : "Sans humanité l'homme ne saurait durer longtemps, que ce soit dans le bonheur ou le malheur. Le bon y trouve la paix, le sage son profit", dit le Maître.

IV.11 : "L'homme de qualité chérit la vertu, l'homme de peu la terre ; le premier préfère la loi, le second les faveurs", dit le Maître.

IV.12 : "Qui agit en fonction de ses intérêts débridés, s'attirera beaucoup de ressentiment" dit le Maître.

IV16 : "L'homme de qualité ramène tout à une question de justice, l'homme de peu à des questions d'intérêts', dit le Maître.

IV.22 : Le Maître dit : "Les anciens retenaient leurs paroles dans la crainte de la honte de ne les pouvoir tenir".

V.6 : Comme il voulait lui faire assumer une charge, Qidiao Kai répondit : "Je ne saurais avoir assez confiance en moi pour cela." La réponse remplit d'aise le Maître

V.10 :Comme Zai Yu dormait en plein jour, le Maître s'exclama : "Bois pourri ne peut être sculpté, pas plus que mur de fumier ne se laisse chauler. Avec Zai Yu, à quoi bon sévir ?" Le Maître ajouta : " je croyais les gens sur parole ; maintenant j'écoute et observe leurs agissements : c'est Zai Yu qui m'a fait changer d'attitude".

V.11 : "Je n'ai jamais rencontré quelqu'un de vraiment ferme" dit le Maître. Quelqu'un lui opposa : "Et Shen Cheng ? " Le Maître répliqua : "Cheng est un homme de désirs. Comment pourrait-il être ferme ?"

V.25 : "Paroles habiles, mine avenante et déférence courtoise : Zuo Qiuming en aurait eu honte, moi aussi. Feindre l'amitié en cachant sa rancœur l'aurait rempli de honte ; moi de même", dit le Maître.

V.26 : (…) "- J'aimerais savoir ce que vous souhaiteriez, Maître, demanda Zilu
- Réconforter les vieux, inspirer confiance aux amis et apporter de l'affection aux jeunes".

VI.19 : "L'homme ne saurait vivre que dans la droiture ; s'il survit sans elle, ce n'est que par chance", dit le Maître.

VII.1 : "Je transmets mais ne crée point, car j'aime les anciens et crois en eux".

VII.8 : "Je n'ouvre que l'esprit des enthousiastes, je n'éclaire que ceux qui brûlent de savoir ; si je soulève un angle de la question sans que l'on me réponde en m'opposant les trois autres, je ne me répète pas", dit le Maître

VII.25 : L'enseignement du Maître comportait quatre aspects : culture, pratique, loyauté et bonne foi.

VII.26 : (…) "Un homme bien ? Je n'ai pas eu non plus la chance d'en rencontrer : il me suffirait d'avoir connu quelqu'un de constant. Alors que l'on fait passer ce qui n'est pas pour ce qui est, le vide pour le plein et la misère pour la prospérité, comme il est difficile de garder constance !" ajouta la Maître.

VII.33 : (…) Mais quant à me comporter dignement en homme de qualité, je n'y suis pas encore parvenu".

VIII.4 : (…) "Il est trois choses qui ont du prix aux yeux de l'homme de qualité : bannir toute morgue de ses attitudes ; garder une expression du visage qui inspire la confiance ; observer dans son langage un ton qui exclut vulgarité et mensonge(…)".

VIII.5 : "Etre compétent mais consulter ceux qui ne le sont point, en savoir beaucoup mais se renseigner auprès de ceux qui ne savent pas grand chose, faire passer l'être pour le néant, le plein pour le vide, ne pas tenir compte des offenses : j'ai connu un ami qui s'appliquait à cela", dit le Maître.

VIII.6 : "Quelqu'un à qui on peut confier un orphelin de pas plus de six pieds, que l'on peut charger du destin d'une principauté de dix lieues de côté et qui, confronté à une crise majeure, ne se laisse ébranler, est-ce un homme de qualité ? Oui, c'est un homme de qualité !" affirmait le Maître.

VIII.9 : "On peut faire prendre aux gens du peuple la bonne direction, mais on ne peut leur faire comprendre pourquoi", dit le Maître.

VIII.16 : "Insensé mais fourbe, puéril pais retors, naïf mais de mauvaise foi, voilà ce que je ne comprends plus", dit le Maître.

IX.4 : La Maître avait quatre choses en exécration : "Je pense", "il faut", "je suis sûr", "moi…".

IX.24 : Le Maître dit : "Comment ne pas obtempérer aux paroles de bons préceptes ? Le plus précieux est de se corriger en conséquence. Comment ne pas se réjouir de douces expressions d'approbation ? L'important est d'en démêler la signification. Je n'ai que faire de ceux qui s'en contentent sans chercher plus loin et de ceux qui obéissent sans s'amender".

IX.25 : "Fidélité, bonne foi sont ce qui importent le plus. Ne cultivez pas l'amitié de ceux qui ne vous valent. Ne craignez pas de vous corriger si vous êtes en faute", dit le Maître.

IX.29 : "Qui sait n'est plus assailli de doutes ; qui possède le sens suprême de l'humain ne se tourmente plus ; le brave ne connaît plus la peur", dit le Maître.

X.10 : Sieur Kang lui fit envoyer une potion. Il l'accepta en s'inclinant mais fit répondre : "Je n'ose y goûter faute d'en connaître la composition".

XI.19 : Le Maître répondit à Zizhang qui l'interrogeait sur la voie de l'homme de bien : "Sans marcher sur la trace des anciens, on n'entre pas dans la chambre, quoi qu'il en soit."

XII.7 : A Zigong qui lui posait des questions sur l'art de gouverner, le Maître dit : "Assurer la subsistance, assurer la défense et inspirer confiance à la population.
- A laquelle de ces trois choses faudrait-il d'abord renoncer si l'on ne peut faire autrement ?
- A la défense.
- A laquelle des deux choses faudrait-il renoncer si l'on ne peut faire autrement ?
- Aux subsistances. La mort est le lot d'un chacun, mais sans la confiance, la population ne se dressera pour l'affronter.

XII.10 : Zizhang demandait comment on exalte la vertu et discerne l'égarement. "Exalter la vertu", répondit le Maître, "c'est mettre l'accent sur la loyauté et la confiance, s'installer dans la justice. (…)"

XII.11 : Le duc Jing de Qi questionnait Confucius au sujet de l'art de gouverner. Celui-ci répondit : "A chacun son rôle : que le souverain soit le souverain, le sujet un sujet, le père un père, et le fils un fils".

XII.14 : A Zizhang qui l'interrogeait sur l'art de gouverner, le Maître répondit : "S'y employer sans relâche, l'exercer avec loyauté".

XII.19 : Interrogeant Confucius sur l'art de gouverner, sieur Ji Kang lui demanda : "Si l'on tuait les infâmes pour se rapprocher des justes ? Qu'en pensez-vous ?
-Est-il besoin de tuer pour gouverner ?" répondit Confucius, "il vous suffirait de vouloir le bien pour que le peuple devienne bon. Les vertus du noble sont comme le vent, celles de l'homme de peu semblables à l'herbe : là où passe le vent, l'herbe ne peut que se coucher".

XIII.3 : "le souverain de Wei attend votre concours pour gouverner. Qu'allez-vous commencer par faire, Maître ?
- Ce qu'il faut c'est rendre la nomenclature correcte ! dit le Maître.
- Vraiment ?" s'étonna Zilu, "vous allez un peu loin, Maître. Comment la rectifier !
- Quel rustaud tu fais, mon cher You.(…). Si la nomenclature n'est pas correcte, les paroles ne sont pas adéquates et il en résulte que les opérations ne peuvent être menées à bien. Si rien ne se fait, rites et musiques ne peuvent prospérer. Il s'ensuit que peines et châtiments manquent leur but. Le peuple ne sait alors sur quel pied danser. C'est pourquoi l'homme de qualité doit pouvoir dire ce qui est correctement dénommé et faire ce qu'il dit. Ses paroles ne sont jamais proférées à la légère".

XIII.4 : (…) Si le souverain apprécie la bonne foi, nul dans le peuple ne saurait renoncer à la franchise. 

XIII.15 : (…) - Y aurait-il aussi une sentence capable de ruiner un pays ?
- Il n'est de paroles susceptibles de produire un tel résultat", répliqua Confucius, "mais ce qui n'en est pas loin, c'est l'adage, le seul plaisir du prince est de n'être jamais contredit. Par cette seule sentence ne sommes-nous pas sur le point de précipiter le pays dans la ruine ?"

XIII.18 : Comme le seigneur de She tenait ce discours à Confucius : "Il y a chez nous un modèle de droiture : quand son père avait chapardé un mouton, lui, son fils, avait porté témoignage à charge.
- On se fait une autre idée de la droiture chez nous", rétorqua Confucius, "le père protège son fils et le fils son père. Tel est le sens de la droiture chez nous."

XIII.20 : "Comment se comporter pour mériter le titre de gentilhomme ? demandait Zigong.
- se conduire en gardant le sens de l'honneur et ne jamais faire honte à son seigneur aux quatre coins de monde où l'on est envoyé, répondit le Maître.
- Et ensuite, si vous me permettez la question ?
- Etre loué pour sa piété filiale par le clan, pour sa déférence à l'égard des aînés par les gens de son village.
- Et ensuite ?
- Tenir toujours parole, mener à bien tout ce qu'on entreprend (…).

XIV.22 : A Zilu qui lui demandait comment il fallait servir son seigneur, le Maître répondit : " Ne jamais le tromper, quitte à le heurter".

XIV.31 : "Sans présumer l'escroquerie ni subodorer la mauvaise foi, en avoir la prescience, n'est-ce point le propre de la sagesse ?, dit le Maître.

XIV.41 : "Le peuple se montre docile aux dirigeants qui aiment la courtoisie", dit le Maître.

XIV.42 : " A Zilu qui l'interrogeait sur le noble idéal, le Maître répondit : "Sa culture lui permet de rester déférent.
-Est-ce tout ?
- Il se cultive aussi pour apaiser autrui
- Est-ce tout ?
-Il se cultive pour réconforter les gens.(…).

XV.6 : A Zizhang qui lui demandait comment agir, le Maître répondit : "Si tu parles avec loyauté et bonne foi, si tu agis avec sérieux et déférence, tu t'imposeras même chez les barbares les plus sauvages. Sinon, comment obtiendrais-tu le moindre résultat, serait-ce dans ton propre village ? Ne perds jamais de vue cette maxime, grave-la sur le timon de ton char. Ton action ne saurait être efficace que si tu t'y appuies constamment".

XV.18 : Le Maître dit : l'équité est sa substance même : il use de courtoisie pour la pratiquer, de modestie pour la manifester et de bonne foi pour la réaliser : tel est l'homme de qualité !"

XV.20 : "Le noble se désole de disparaître sans laisser une louable réputation" dit le Maître.

XV.38 : "Au service de son souverain, on a le respect des affaires avant le souci des prébendes", dit le Maître.

XV 40 : On ne forme de projets communs, quand les voies ne le sont point", dit le Maître.

XVI.1 : (…) "Ce que j'ai appris en ce qui concerne les chefs d'Etat ou de clan, c'est qu'ils n'ont pas à se soucier de leur infériorité en nombre mais des inégalités, qu'ils ont à s'inquiéter du mécontentement plus que de la pauvreté. L'égalité réduit la pauvreté et la concorde compense l'infériorité du nombre. La paix ainsi instaurée éliminera tout risque de subversion. (…)"

XVI.2 : (…) "Lorsque l'ordre de la bonne Voie règne sur le monde, le pouvoir n'est pas aux mains de grands officiers et les gens du commun ne discutent pas de leur politique".

XVII.5 : A Zizhang qui l'interrogeait sur la bonté, Confucius répondit : "Il la possède celui qui est capable de pratiquer cinq vertus cardinales.
- Puis-je vous demander lesquelles ?
- Déférence, tolérance, bonne foi, diligence et générosité. La déférence bannit l'insulte. La tolérance gagne le cœur du plus grand nombre. La bonne foi estt gage de confiance. La diligence assure l'efficacité et la générosité permet de diriger autrui".

XVII.7 : "Mon cher You", dit le Maître, "as-tu entendu parler des six vertus et de leurs corruptions ?
- Non, répondit Zilu.
- Assieds-toi : je vais te les raconter : bonté sans études tourne à la bêtise ; sagesse sans étude devient superficielle ; bonne foi sans étude pousse au banditisme ; droiture sans étude rend cassant ; bravoure sans étude mène aux désordres ; rigueur sans étude conduit à la folie du fanatisme".

XVII.14 : "Les gens du temps jadis", dit le Maître, "souffraient de trois défauts qui semblent avoir disparu aujourd'hui. La folie des anciens était fantaisie, celle des modernes est licence. L'amour-propre des anciens menait à l'intégrité ; celui des modernes conduit à l'irascibilité. La sottise des anciens était droite, celle des modernes est retorse".

XIX.10 : "L'homme de qualité ne fait travailler ses gens qu'après avoir obtenu leur confiance, sinon ils se sentiraient exploités. Il ne leur présente de remontrances qu'après avoir gagné la confiance du souverain, sinon celui-ci se sentirait calomnié", dit, Zixia.

XIX.25 (la dernière) : Chen Ziqin dit à Zigong : "Tu es trop modeste. En quoi serait-il plus que toi, Confucius ?
- L'homme de qualité peut d'un seul mot révéler son savoir, ou montrer son ignorance : on ne saurait parler avec trop de prudence. Notrer Maître est inégalable : l'égaler serait vouloir monter au ciel avec une échelle. Si le Maître avait eu à sa disposition un Etat, ceux qu'il aurait dressés, se seraient dressés, ceux q'il aurait mis sur la voie, y marcheraient, ceux qu'il aurait mobilisés, lui auraient répondu. Vivant, ils le glorifient ; mort ils le pleurent. Comment pourrait-il être égalé ?".