Combien coûte ou coûtera la production d'électricité nucléaire
Nucléaire existant ou nucléaire nouveau
Faites vous-même le calcul !


Il a été écrit beaucoup de choses  sur le coût de production nucléaire, notamment à propos de l'effet du démantèlement des réacteurs et de la gestion des déchets, censé remettre en cause l'intérêt économique de cette production. Pour que tout le monde puisse se rendre compte des ordres de grandeur, voici deux tableurs permettant de calculer le coût du nucléaire dans deux situations différentes
- à partir des réacteurs en fonctionnement aujourd'hui dont on prolongerait la durée de vie
- à partir de nouveaux réacteurs EPR
Dans l'un et l'autre tableurs, le lecteur peut introduire ses propres hypothèses sur le montant initial de l'investissement, le coût du financement, la durée de fonctionnement du réacteur, etc. etc.
Pour calculer le coût de l'électricité produite par les réacteurs existants, cliquer ici,    le coût de l'électricité produite par de nouveaux réacteurs, cliquer ici. - mais il vaut mieux lire d'abord ce qui suit.


Il y a quelques années un rapport de l'Inspection générale des finances et du Conseil général des mines avait conclu que cette électricité coûtait entre 30 et 35 €/MWh.
Puis le rapport Champsaur, quelques années plus tard, a calculé quelque chose autour de 40 €/MWh.
Puis, récemment, en 2012, un rapport de la Cour des comptes, en incluant les dépenses à réaliser à la suite de l'accident de Fukushima et selon différentes méthodes de calcul, arrive à la conclusion que le coût de production des réacteurs aujourd'hui en fonctionnement est dans une fourchette de 38 à 54 €/MWh.

Qu'en sera-t-il à l'avenir ?

Il convient de distinguer deux cas :
-   l'électricité produite par les réacteurs actuels dont on peut prolonger la durée de fonctionnement après avoir fait de gros travaux "post-Fukushima")
-   l'électricité produite par de nouveaux réacteurs EPR

Prolonger la durée d'activité des réacteurs en fonctionnement aujourd'hui ou l'arrêter à 40 ans ?

On se place dans la situation d'un réacteur construit il y a quarante ans et dont on se demande s'il vaut mieux l'arrêter ou lui donner encore 10 ou 20 ans de fonctionnement après de gros travaux de mise à niveau. On compare alors les dépenses à venir selon l'une et l'autre hypthèses et l'on rapporte la différence de dépenses à la quantité d'électricité produite. Les dépenses et les recettes sont actualisées avec un taux d'actualisation. En cas de prolongation, les dépenses de démantèlement les dépenses actualisées sont moindres (car intervenant plus tard). Cela a un effet sur les coûts ; il est prudent de faire le calcul de la valeur actualisée en utilisant un taux d'actualisation relativement faible : 2 ou 3 %.
Sur l'ensemble du parc, pour prolonger la durée d'exploitation de 10 ou 20 ans au-delà de 40 ans (aux Etats-Unis, les autorisations sont données d'emblée pour 60 ans), les dépenses de "grand carénage" ont été évaluées en 2004 à 55 milliards d'euros 2010. Il faut y ajouter les dépenses décidées après l'accident de Fukushima, qui sont évaluées à 20 milliards d'euros si tout le parc est concerné. Supposons que le total des dépenses soit de 75 milliards d'euros et que toutes ces dépenses doivent se faire sans délai (comme elles seront étalées dans le temps, leur valeur actualisée sera inférieure).
Le montant des travaux à réaliser serait alors de 1,2 milliard par GW. Avec un taux d'actualisation (sur les recettes) de 8 %, le coût du MWh est de 38 à 46 €/MWh selon que la prolongation est de 20 ans ou de 10 ans. Si le taux d'actualisation est de 4 %, le coût est de 34 à 42 €/MWh.
Dans les vingt à trente ans qui viennent, le coût de production de l'électricité à partir de réacteurs dont la durée de vie serait prolongée serait donc compris entre 35 et 45 €/MWh.
Faites vous-même le calcul !

Note : la Cour des comptes a calculé ce que devrait être le prix de l'électricité pour rémunérer EDF non seulement de ses dépenses futures mais aussi des investissements passés. Elle l'évalue à 55 €/MWh. Le calcul proposé ici ne porte que sur des dépenses et des recettes futures sans incorporer les dépenses à venir qui doivent être faites de toute façon, que l'on arrête le réacteur ou que l'on continue à l'exploiter, notamment les dépenses de démantèlement. Quoi qu'il en soit, ces coûts sont largement inférieurs au coût  des autres moyens de production d'électricité donnant la même garantie d 'approvisionnement.

Le coût de production de nouveaux réacteurs


 J'ai fait un calcul sur les bases suivantes :

- une provision est constituée pour financer les gros travaux à faire plus tard et le démantèlement en fin de vie, dans 60 ans. Le montant des gros travaux à faire 40 ans plus tard est estimé à 600 M€ et le coût du démantèlement est estimé à 15 ou 30 % du montant initial de l'investissement. Le financement mis en provision rapporte 2 ou 3 % par an en monnaie constante ;
- les dépenses fixes (indépendantes de la production) sont celles qui ont été identifiées par la Cour des comptes soit 90 €/kW/an sans compter les impôts et taxes, dont le montant est de 19 €/kW/an ;
- le coût du combustible est celui qui a été évalué par la Cour des comptes, soit 5,2 €/MWh ;
- une provision pour le traitement du combustible est constituée ; son montant est supérieur à ce qui a été évalué par la Cour des comptes pour tenir compte d'une nouvelle évaluation par l'ANDRA : 3,8 €/MWh au lieu de 2,5 ;
- le coût du financement est de 8 % en monnaie constante.
- le montant de l'investissement initial :

En rédigeant Avec le nucléaire, fin 2011 puis Moins de CO2 pour pas trop cher en 2012, j'ai fait l'hypothèse que l'investissement initial serait inférieur de 20 % au coût du prototype de  Flamanville estimé par EDF en juin 2011 à 6 milliards d'euros. L'investissement initial, y compris les intérêts intercalaires serait alors de 4,8 milliards soit 3000 € par kW installé ;
Alors, hors impôts, le coût de production d'un EPR fonctionnant à 90 % de sa capacité nominale serait compris entre 54 €/MWh et 56,5 €/MWh selon le coût du démantèlement et les intérêts rapportés par les provisions (2 ou 3 %).
Avec les mêmes données, si le coût de financement est de 4 % en monnaie constante au lieu de 8 %, le coût de production est de 39 ou 40 €/MWh.
Intégrer les impôts et taxes à hauteur de 20 €/kW/an augmente le coût de 2,5 €/MWh.


A la fin de 2012, EDF annonce que le prototype de Flamanville coûtera beaucoup plus de 6 milliards d'euros. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'un réacteur de série coûtera plus cher que prévu antérieurement. Néanmoins, il est utile de faire un calcul en supposant que l'investissement initial, intérêts intercalaires compris, serait de 4000 €/kW, soit 22 % de moins que le coût anoncé pour Flamanville : 8,5 milliards d'euros pour une capacité de 1,65 GW. En 2015, le coût annoncé du réacteur de Flamanville est de 10 milliards d'euros, soit 6000 €/kW. En juillet 2019, le coût annncé a encore augmenté.

On peut penser que toutes les difficultés rencontrées ne se retroveront pas sur des réacteurs "en série" et légèrement simplifiés.

Supposons donc que le montant de l'investissement y compris les frais intercalaires est, pour un réacteur de 1,6 GW de 7 milliards, soit 4400 €/kW,

               le coût de production sera de 74 €/MWh si le coût du financement est de 8 % ;

                il sera de 59 €/MWh si le coût du financement est de 5,5 % ; de 51 €/MWh si le coût de financement est de 4 %

Faites vous-même le calcul avec vos propres hypothèses!


En 2014, la Cour des comptes a mis à jour l'estimation des coûts qu'elle avait faite en 2011. Elle a réévalué le coût de production de l'électricité par les réacteurs en fonctionnement aujourd'hui en tenant compte, entre autres, des investissements à réaliser pour en améliorer encore la sûreté de fonctionnement. Elle n'a pas voulu évaluer le coût de production par un EPR "de série". Pour faire cette évaluation, comme j'avais pris des hypothèses prudentes sur le coût du traitement des déchets, les dépenses de gros entretiens (600 euros par kW), le coût du démantèlement (30 % du montant de l'investissement initial) et le mode de calcul de la provision pour démantèlement (un taux d'intérêt réel de 2% seulement), cette nouvelle évaluation des dépenses par la Cour des comptes ne m'amène pas à modifier mes hypothèses de calcul - sauf peut-être sur les coûts fixes de fonctionnement, qui seraient de 120 €/kW/an au lieu de 110, l'effet sur le coût du MWh étant de 1 €.

En 2019, Il semble plus prudent de supposer que les  dépenses d'investissment, y compris  la valeur présente du montant des travaux futurs  sera de 5000 €/kW : 4400 €/kW de dépense d'investissement et 600 €/kW représentant la valeur actualisée à l'instant intial des dépenses futures
Alors, si le coût du financement est de 5,5 %, le coût de production de l'électricité sera de 59 €/MWh.

Naturellement, si le réacteur ne fonctionne pas au mieux de sa capacité, le coût de production est supérieur.

Dans un contexte de forte réduction des émissions de CO2, le coût de production d'une électricité à partir de gaz coûterait 110 à 120 €/MWh, valeur indépendante du prix mondial du gaz et du charbon *  et peu dépendante du coût du financement des investissements.

Si l'investissement initial est de 4000 €/kW (y compris les intérêts intercalaires pendant le temps de la construction), l'électricité nucléaire coûtera alors moins cher que l'électricité à partir de gaz si le réacteur fonctionne plus de 60 % du temps si le coût du financement est de 8 % en monnaie constante - plus de 40 % du temps si le coût du financement est de 4 % en monnaie constante.

Ces quelques résultats - que chacun peut vérifier ici - montrent combien il serait important que l'Etat puisse garantir le financement des réacteurs nucléaires pour en diminuer le coût et renforcer notre sécurité d'approvisionnement.

Je redis que chacun peut immédiatement, à partir de ses propres hypothèses,évaluer le coût du nucléaire existant et du nucléaire nouveau.


Nul n'étant à l'abri des erreurs, merci de me faire part d'une erreur, éventuellement.


* Sur le fait que le prix l'électricité produite à partir de gaz ou de charbon ne dépendra pas des prix mondiaux du gaz et du charbon, voir par exemple la note brève sur prix et coût du CO2 ou le chapitre  2 de Moins de CO2 pour pas trop cher (L'Harmattan, 2012)

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