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Six "si"
pour de l'électricité "100 % renouvelable", sans nucléaire ni  émisions de CO2 :  six conditions
aussi aisé que de mettre Paris dans une bouteille

Il y a dix ans paraissait un livre qui se terminait sur deux courbes, une qui montait et une qui descendait : celle du coût du nucléaire montait ; celle du coût des éoliennes, du photovoltaïque et des batteries diminuait. La conclusion était claire : nous n'aurions plus besoin de nucléaire.
L'idée chemine. La ministre a demandé à RTE d'en étudier la possibilité. Récemment une équipe du CIRED a publié un article qui conclut qu'une électricité "100 % renouvelable" coûterait moins cher que ce qu'elle coûte aujourd'hui.
L'étude est sérieuse. C'est pourquoi j'ai passé du temps à l'analyser à l'aide de l'outil de simulation que j'utilise et dont une version est publiée.
Les hypothèses de coût de l'éolien et du photovoltaïque sont - comment dire ? - héroïques.
Mais, même en supposant que le "100 % renouvelable" ne coûte pas plus qu'avec du nucléaire, cela ne serait possible que si six conditions (au moins) étaient réunies

1- une très faible consommation d'électricité, donc de très grosses dépenses d'économie d'énergie
2- la stabilité du réseau sans l'apport d'inertie de masses tournantes de moyens de production
3- sont acceptés des dizaines de milliers d'éoliennes et des milliers de kilomètres carré de photovoltaïque
4- être indifférent à notre autonomie sur les matériaux et sur la technique
5- quant au vent et au soleil, il n'y aura jamais de situations pires qu'entre 2000 et 2017
6- ne pas s'inquiéter de l'insécurité d'une gestion tributaire du numérique.

Ici
- l'analyse de l'étude du CIRED   version du 20 janvier ; une première version datée du 4 janvier a fait l'objet de quelques précisions sans effets sur les résultats et de compléments.
- une note brève : Sans nucléaire ni CO2 ? Comme mettre Paris dans une bouteille , avec six "si"   janvier 2021
- ma réplique à la réponse faite à cette note brève par les auteurs de l'étude du CIRED
- une note brève
Production d’électricité : quand une étude académique est livrée aux médias   en  réponse à une longue tribune des auteruspublie dans le Monde  

Vers un débat sérieux ?
Après la diffusion de cette note brève, j'ai été informé de façon indirecte que les auteurs de l'étude du CIRED ont publié une réponse.
A la lecture de leur étude et de leur réponse, il apparaît qu'une question de fond porte sur la méthode de réflexion. L'étude du CIRED traite de la production et du stockage d'électricité avec une hypothèse de consommation extrêmement basse. Ainsi, une telle étude et la publicité qui en est faite contribuent à répandre l'idée qu'il serait possible sans surcoût de répondre à la demande d'électricité sans émission de CO2 ni nucléaire - en oubliant les dépenses d'économie d'énergie.
Voici ma réplique à leur réponse.


En simplifiant voici les dépenses à venir déjà décidées ou potentielles sans effet sur les émissions de CO2 :

- pour financer les décisions déjà prises sur les éoliennes et le photovoltaïque : 7,5 milliards d'euros par an
- pour remplacer par des éoliennes et du photovoltaïque des réacteurs nucléaires en état de fonctionnement : 7 milliards d'euros par an pendant une vingtaine d'années (avec les coûts de l'éolien et du photovltaïque prévus par RTE pour 2035) ;
- pour éviter des consommations d'énergie pour la chaleur dans la perspective de la SNBC : autour de 2035, 7 milliards d'euros par an (calculé à partir de l'étude ADEME-RTE)
- pour que tous les logements soient conformes à la SNBC en 2050, 20 milliards d'euros par an (estimation par moi-même présentée ici et cohérente avec l'estimation faite pour 2035) - remplacement du nucléaire par des éoliennes et du photovoltaïque autour de 2050 : avec les hypothèses de l'étude du CIRED, le coût serait nul sans tenir compte du coût d'acheminement et si les six "si" sont réunis, ce qui, avec la consommation qui minimise les dépenses est impensable.

Tout cela sans effet sur les émissions de CO2, alors que, 3000 km au Sud, 600 millions de personnes ne disposent pas d'électricité et que d'autres ne disposent que de groupes électrogènes.












Un début de débat
L'étude du CIRED était sérieuse, je l'ai analysée. Une liste de six conditions à réunir pour pouvoir répondre à la demande sans énergie fossile ni nucléaire a été présentée dans une "note brève (une page).
J'ai envoyé en même temps au responsable de l'étude cette note et l'analyse à laquelle elle se réfère
Un des destinataires m'a informé qu'il avait publié sur son site une réponse  rédigée par les auteurs de l'étude.

L'auteur du site qui a publié la réponse des auteurs es le président de la fondation Hulot. Le responsable de l'étude est membre de Négawatt et président du RAC, Réseau action climat.
Pour ce qui me concerne, l'objectif majeur est "moins de CO2 pour pas trop cher" (le titre de mon dernier livre sur l'énergie et l'effet de serre), en comptant les dépenses de production et d'économie d'énergie., sans oublier que le CO2 ignore les frontières et qu'il vaudrait mieux financer ailleurs des actions efficaces au lieu de dépenser chez nous sans effet sur les émissions.

Un débat avorté
J'ai demancé
 
















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La réponse des auteurs de l'étude du CIRED aux six "si" et ma réplique à cette réponse

La réponse des auteurs est ici, publiée sur le blog "la chronique de l'anthropocène" de Alain Grandjean

Voir aussi une note brève
Production d’électricité : quand une étude académique est livrée aux médias  en réponse à une longue tribune des auteurs parue dans le journal Le Monde   

Le point le plus important à mon avis est ici :

pour évaluer l’intérêt d’un parc de production d’électricité par rapport à un autre, il ne suffit pas de considérer les dépenses de production et de stockage d’électricité ; il faut prendre en compte les dépenses qui permettent de limiter la consommation d’électricité, et aussi les effets qui ne se traduisent pas par des dépenses. Outre l’acceptation par la population et l’autonomie nationale, il ne faudrait pas se cacher que le CO2 se moque bien des frontières.

Le dernier numéro de la Revue de l’énergie publie un article qui évoque une stratégie bas carbone conçue avec quelques pays d’Afrique subsaharienne, un thème que j'ai abordé dans une récente "note brève".

Bref, il y a d’autres sujets beaucoup plus intéressants que de chercher à voir comment se passer de nucléaire alors que la France maîtrise cette technique et que le monde en aura besoin. Pourquoi ne vous y plongeriez-vous pas ?

1- Le niveau de consommation d'électricité
  Les auteurs de l'étude écrivent qu'ils ont testé leur modèle avec une demande d'électricité égale à la plus élevée jamais observée, 480 TWh en 1996 : avec leurs hypothèses de coût, une production sans nucléaire aurait été moins coûteuse qu'avec du nucléaire. Soit dit en passant la consommation en 2013 a été de 492 TWh (les auteurs ont peut-être pris la consommation corrigée des variations saisonnières) mais peu importe.
Ils confirment donc ce que j'avais constaté avec mon modèle de simulation comme je le dis dans la note d'analyse à laquelle renvoie la "note brève". Voir p.8 et le tableau.10. Il n'y a donc pas de débat entre nous sur ce point.
Mais il ne répondent pas à la question posée par le premier "si". Celui-ci porte sur les dépenses d'économie d'énergie permettant une très faible consommation d'électricité. Elles sont tellement élevées (ce que confirme l'étude faite par RTE et l'ADEME voir ici) que cette hypothèse n'est pas vraisemblable. Comme la consommation sera largement supérieure à cette hypothèse, les "si" suivants prennent une force encore plus considérable.
La question des coûts de l'éolien et du PV est abordée dans le 7ème des 6 "si" - si j'ose dire.

2- La stabilité du réseau
Ce deuxième "si" concerne l'équilibre instantané entre la fourniture et la consommation : l'inertie des masses tournantes donne au système électrique les fractions de seconde qui lui permettent de mettre en action les réserves primaires.
Les auteurs se réfèrent à quelques réalisations en cours et mentionnent l'utilisation de compensateurs synchrones.  "Les solutions, notamment des volants d'inertie et des condensateurs, sont déjà en fonction. Donc la gestion de fréquence et l'inertie du système électrique ne favorisent pas l'énergie nucléaire face aux énergies renouvelables". Leur réponse n'apporte donc rien à ce qui est écrit dans la note brève et dans l'analyse à laquelle elle renvoie. De bonne source, on apprend que l'étude faite par RTE et l'AIE conclura  que, si l'on veut aller vers une très forte proportion d'éolien et de photovoltaïque, il faut "poursuivre les projets de R&D" et "lancer des démonstrateurs et des projets pilotes". Considérer que la question est résolue, c'est aborder avec une grande légèreté (d'autres diraient avec désinvolture) une question cruciale. Dire que cette question "ne favorise pas l'énergie nucléaire" est une erreur manifeste.

3- et 4 : l'acceptation des éoliennes par la population, les surfaces de photovoltaïque sur le sol et l'objectif  "zéro artificialisation", l'autonomie en matières dont ont besoin éoliennes et photovoltaïque
La réponse faite par les auteurs : les possibilités physiques d'implantation des éoliennes et du photovoltaïque existent. Certes, qui en doute ? La dépendance due à la consommation de matériaux n'est pas pire que notre dépendance due à l'achat d'énergie fossile. Ce n'est évidemment pas une comparaison pertinente. Pour ce qui est du nucléaire, notre dépendance ne crée pas de vulnérabilité pour plusieurs raisons dont celle-ci : les sources sont bien diversifiées, il est possible de stocker le combustible pour de nombreuses années.

5 - les cas de vent ou d'ensoleillement soleil très faibles
J'avais écrit dans la note qui a été diffusée : "ne pas se préoccuper d'une faiblesse du vent et du soleil quelques jours durant". Les auteurs font remarquer qu'ils en tiennent compte. C'est exact dans une certaine mesure comme je l'ai noté dans mon analyse. Je m'étais rendu compte avant de  lire la réponse des auteurs que la formulation de ce cinquième "six" pouvait laisser penser le contraire ; je l'ai donc modifiée. Car ce cinquième "si" doit être maintenu. En effet il ne suffit certes pas de dix-huit simulations climatiques pour évaluer le risque de vent et ensoliellement très faibles lorsque la demande est forte. Ces risques climatiques, qui s'ajoutent aux autres risques, augmentent considérablement les besoins de stockage et de capacités de secours. Les dix-huit simulations climatiques qu'ils ont faites les a conduits à supposer que la puissance en GW délivrée par les lacs et par les Steps et que la quantité d'énergie (en GWh) des Steps sont le double de ce qu'elles sont aujourd'hui, ce qui soulèverait des difficultés  d'acceptation qu'ils n'ont pas mentionnées.

J'ajoute que les difficultés 3,4 et 5 sont encore alourdies si la consommation est supérieure aux hypothèses retenues dans cette étude au point de devenir assurément insurmontables ; il faudrait en effet 100 à 150 GW d'éolien et de photovoltaïque de plus ; encore une fois voir l'analyse que j'ai faite de cette étude.

6- la vulnérabilité des systèmes numériques
Les auteurs écrivent que cet aspect n'est pas traité dans l'étude. Ils ajoutent : "Aucune étude ne semble avoir montré que les renouvelables étaient plus sujets à des risques de cyber-sécurité que l'industrie nucléaire".
Cette réflexion ne répond évidemment pas à la question posée par ce sixième "si". Un réseau numérique est beaucoup plus difficile à protéger que des cibles ponctuelles bien définies. Le système peut êre attaqué sans que la victime ne s'en rende compte sur le moment et cela peut durer des mois ou des années. Or les dommages, pour les victimes et pour le pays en général peuvent être graves sans qu'il soit possible d'en connaître la cause. Le réseau de contrôle commande d'un système comme l'imaginent les auteurs de cette étude sera une proie de choix. Mais je rejoins l'équipe du CIRED : cette question n'est peut-être pas suffisamment évoquée.

7- Les coûts de production et de stockage de l'électricité
 Les auteurs écrivent que les estimations de coûts sont basées sur des rapports d'organismes indépendants et reconnus et que leurs simulations ne font pas appel à des éoliennes flottantes.
Sur les côtes françaises, les fonds descendent assez vite. Des éoliennes posées en mer seront donc proches de la côte. Par ailleurs l'étude ne compte pas les coûts de raccordement à la côte D'autre part, avec une consommation d'électricité plus importante, il faudra des éoliennes flottantes, qui sont beaucoup plus chères.
Quoi qu'il en soit, le débat sur les prévisions de coût dans trente ans ne peut pas être tranché assurément.
Par ailleurs, ma "note brève" remarque que, d'une part, l'acheminement de l'électricité fluctuante et dispersée et, d'autre part, un réseau de distribution où l'électricité pourra circuler dans les deux sens coûteront beaucoup  plus cher qu'aujourd'hui. Cela n'est pas évoqué dans la réponse des auteurs.