Diviser les
émissions françaises de gaz carbonique par trois en trente ans Quid dans quinze
ans ?
Pour diviser par trois (par habitant) en trente ans les émissions de gaz carbonique dues à la consommation d'énergie, les facteurs déterminants sont : les économies d'énergie, un recours intensif aux possibilités de production de biomasse pour le chauffage et pour le biocarburant, l'utilisation, dans toute la mesure des possibilités, de la technique des moteurs de véhicules bi-énergie (électricité et carburants), l’usage thermique de l’électricité ; ce sont là des techniques évidemment perfectibles mais d'ores et déjà connues et validées. S'y ajoutera peut-être la séquestration du gaz carbonique, sur laquelle il faut travailler. Ces changements supposent une augmentation du prix de l'énergie, que l'on supposera ici progressive dès aujourd'hui. Mais la dynamique des changements qui devront intervenir pour arriver à ce résultat est très différente selon les cas : une tranche nucléaire n’entre en production que huit ou dix ans après la décision de la construire ; une augmentation progressive des prix aura un effet sur la consommation de bois énergie avant de se faire sentir sur la consommation de biocarburant ; au-delà des volumes de bois d'ores et déjà disponibles, il faut du temps pour faire pousser un arbre, même à croissance rapide etc. ; la technique des moteurs bi-énergie demande à être démontrée sur des prototypes ; elle pourra se diffuser rapidement mais seulement lorsque le prix du carburant pétrolier aura été porté à un niveau suffisant et au fur et à mesure du renouvellement des voitures ; les chauffage et chauffe-eau solaires ne deviendront intéressants que lorsque le prix de l'énergie aura suffisamment augmenté. En tenant compte de ces paramètres, on a essayé de dresser un tableau emploi-ressources dans quinze ans dans l’hypothèse où le prix de l’énergie fossile augmente progressivement au rythme de 1 cme € par litre chaque année. Dans 15 ans,
c'est-à-dire en 2020. La consommation Comme les prix dans quinze ans auront moins augmenté que ce qui est prévu par le scénario à l’échéance de trente ans, la consommation dans quinze ans sera « en ligne » avec une projection à trente ans qui serait intermédiaire entre la consommation tendancielle et celle du scénario de division par trois. Pour le transport par route, on comptera l’énergie en « équivalent carburant liquide ». Pour l’industrie et l’agriculture, on supposera que l’évolution tendancielle conduirait à une consommation constante.
* en équivalent carburant liquide ** le scénario prévoit 15, ce qui est sans doute trop faible *** le scénario tendanciel DGEMP de 2004 prévoit 56, qui est beaucoup trop élevé Les contraintes physiques de production : L’électricité : si l’on décide la construction de deux tranches de production nucléaire par an à partir de 2005, en 2020 une dizaine de nouvelles tranches auront été mises en exploitation, pour une puissance de 15 GW. Dans cette période, plusieurs tranches auront été démantelées, pour une capacité de 4 GW (prévision de la DGEMP dans l’évolution tendancielle. Cette augmentation de capacité nominale de 11 GW peut procurer l’équivalent de 7 Mtep d’énergie finale en base ou 4 Mtep en semie-base. La biomasse : il est d’ores et déjà possible d’utiliser de grosses quantités de bois aujourd’hui abandonnées (4 à 5 Mtep) ; et dans ce laps de temps, de grandes superficies de terres agricoles pourront être converties en cultures industrielles. La production de biomasse ne sera donc pas freinée par des limites physiques, mais par des contraintes économiques. Le chauffage et les chauffe-eau solaires : l’installation de chauffe-eau solaire peut techniquement se faire assez vite. Là aussi la limite sera plutôt économique que technique. La séquestration de gaz carbonique : comme on n'a encore même pas commencé à repérer les sites possibles de séquestration de gaz carbonique, les quantités séquestrées dans quinze ans seront négligeables Les contraintes économiques, supposant que le prix de l’énergie fossile augmente progressivement : Le biocarburant : dans quinze ans le prix du carburant ne suffira pas à financer le coût de production de biocarburant. A effort budgétaire inchangé, la consommation aura seulement doublé, ce qui restera marginal. Redisons ici qu’il n’y a pas de raison d’augmenter l’effort budgétaire pour le biocarburant car il est beaucoup plus efficace, du point de vue de l’effet de serre de subventionner l’usage thermique de la biomasse, par exemple en développant des réseaux de chaleur. La biomasse comme source de chaleur : cet usage peut se développer assez vite puisque l’on n’est pas loin de l’équilibre aux prix actuels de l’énergie supposera donc que les deux tiers du « chemin » envisagé sur trente ans seront parcourus en quinze ans. L’électricité comme source de chaleur dans le résidentiel et le tertiaire : cet usage de l’électricité sera généralisé dans le logement neuf et réhabilité. Mais dans les logements équipés de chauffage au fioul ou au gaz, le prix de ces énergies n’aura pas encore assez augmenté pour devenir plus élevé que celui de l’électricité de base ou semi base. En 15 ans, on supposera donc que l’on aura parcouru seulement le quart du « chemin » prévu en trente ans. L’électricité comme moyen de propulsion des véhicules : là également, l’usage sera encore très limité car la différence de prix entre le carburant et l’électricité ne sera pas suffisant pour financer le surcoût du véhicule bi-énergie. Pour dresser un
tableau des ressources et des emplois d’énergie Les contraintes techniques et économiques ne laissent pas beaucoup de latitude pour dresser un tableau des ressources et de emplois d’énergie. L’énergie pour le transport sera presque exclusivement du carburant pétrolier. La consommation d’électricité pourrait augmenter de 5 Mtep au total : d’une part en consommation de base pour l’industrie et pour des usages spécifiques et d’autre part en semi base (associée à une autre forme d’énergie) comme source de chaleur. Cette augmentation de consommation sera couverte par une production nucléaire de sorte que la consommation de fossile pour produire de l’électricité ne changera pas (elle fut de 10 Mtep en 2000).
Sachant qu’aujourd’hui les émissions de gaz carbonique sont de 106 MTC, le principal enseignement de cet exercice se trouve dans le dernier chiffre en bas à droite : D’ici quinze
an, si la hausse du prix de l’énergie est progressive malgré le lancement de deux tranches nucléaires par an dès 2005, malgré une hausse du prix de 15 à 20 % pour le carburant, de 50 % pour le gaz et le fioul, hausse des prix qui aura un effet sur la consommation d’énergie, malgré une forte utilisation de la biomasse comme source de chaleur, les émissions
de gaz carbonique ne diminueront pas. Cela pourrait paraître décourageant. Pourtant, avec le scénario de division par trois des émissions,on se trouvera réellement sur la voie d'une réduction très rapide des émissions, grâce - au développement du biocarburant rendu possible par la hausse des prix acquise dans la première période et par le résultat des recherches industrielles engagées dès maintenant, - à l'augmentation des capacités de production d'énergie nucléaire décidée dix ans auparavant - à la large diffusion de moteurs bi-énergie, suite à la hausse du prix du carburant donc au changement de stratégie des constructeurs, à la construction de prototypes et à la sensibilisation des consommateurs - à la venue à maturité des arbres à croissance rapide plantés en début de première période - aux économies d'énergie consécutives aux mesures d'urbanisme décidées dès aujourd'hui et longues à faire sentir leurs effets, - éventuellement aux possibilités de séquestration découvertes et validées dans la première période. Ce qui précède confirme à quel point les délais de réaction techniques, administratifs, économiques, industriels et sociaux obligent à prendre des décisions sans tarder si l'on veut obtenir un résultat dans trente ans. Si la hausse du prix de l’énergie est plus rapide, le passage vers le biocarburant se fera plus tôt ; l’utilisation d’électricité pour le chauffage électrique en remplacement du gaz en base et pour la propulsion des voitures se développera plus lentement car elle devra attendre l’augmentation de la capacité de production d’électricité nucléaire. Il ne faut donc
pas se donner des objectifs de réduction des émissions de gaz
carbonique – et surtout pas un objectif de réduction de 3 % par an, qui
n’a réellement aucun sens. L’objectif est
plutôt d’engager les actions qui auront pour effet de fortement
diminuer nos émissions. C’est tout à fait différent. |
Si, même en prenant de fortes décisions dès
maintenant, en 2005, les émissions ne diminuent pas dans les quinze ans
à venir,
cela a-t-il un sens de recommencer des négociations comme à Kyoto ? Ne faut-il pas remplacer les engagements sur les quantités émises par des engagements sur les mesures et les politiques ? |