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Comment susciter
la sylviculture
et sécuriser les livraisons de bois
Ce qui est
écrit ci-dessous m'a
été enseigné par mon expérience de "délégué de massifs
forestiers", sur le terrain pendant plusieurs années ; cette
expérience a été complétée par des
réflexions sur l'économie de l'énergie et de
la lutte contre les émissions de CO2 y compris, entre autres, un
rapport sur le biocarburant et un autre sur les réseaux de
chaleur. On peut en voir une synthèse dans les douze "notes brèves". L'économie du bois et de la forêt en France est a priori paradoxale : la France dispose de surfaces boisées très étendues mais ces forêts sont sous-exploitées. Une explication assez courante est que la propriété forestière serait trop morcelée. On juge aussi assez fréquemment que les propriétaires n'ont pas un état d'esprit "économique" et l'on associe souvent ce trait de caractère au morcellement de la propriété. On dit aussi que si l'offre est inférieure à ce que la forêt peut donner, c'est que la demande serait insuffisante ou pas assez intense. Or l'une et l'autre explications sont erronées. Il faut aller plus loin dans l'analyse pour s'apercevoir que l'économie de la forêt présente des caractères tout à fait particuliers qui découlent non pas de la psychologie des propriétaires ni du morcellement de la propriété, mais de la nature, tout simplement. Il faut les
comprendre pour ne
pas se lancer dans des aventures sans issue : par exemple un projet de
"cogénération" d'électricité et de chaleur
agréé par l'Etat, qui fait à EDF l'obligation
d'acheter
cette électricité à un prix trois ou quatre fois
supérieur
au prix de revient du nucléaire, a eu pour effet dans un premier
temps non pas
d'augmenter
les quantités de bois utilisées mais de mettre en
difficulté
une usine de production de panneaux de bois ! Certes, les promoteurs de
ces projets doivent aujourd'hui prouver qu'ils ont agi pour que ce
nouveau
débouché se traduise effectivement par une augmentation
des volumes vendus. Mais un projet comme celui de la centrale de
Gardanne (remplacer le charbon par du bois) est démesuré
et privera les utilisateurs actuels de bois d'une partie de leurs
ressources sans garantir que les parcelles où le bois a
été coupé seront reboisées correctement.
Par ailleurs
des entreprises qui, elles, ont compris proposent des contrats de
culture de bois. Voir ici des idées nouvelles pour le financement de
la sylviculture et des réseaux de chaleur alimentés
par du bois - novembre 2013,
actualisée fin
2014.
Pendant six
ans, j'ai
été chargé par les ministres de l'industrie et de
l'agriculture de travailler sur la relation entre sylviculture et
industrie
comme délégué de massifs forestiers dans le
sud-ouest
: forêt des Landes, peupleraies de la Garonne, chênaies de
l'Adour, hêtraies ou sapinières des
Pyrénées,
taillis ou jeunes plantations de résineux de Dordogne ou du
Massif
central - les configurations étaient diverses mais elles avaient
toutes quelques traits communs très particuliers. De cette
expérience
extrêmement intéressante, j'ai tiré un livre : "L'économie
de la forêt - mieux exploiter un patrimoine", chez Edisud,
Aix en Provence - si vous souhaitez vous le procurer, il faut s'adresser ici. Demande et offre de bois : une relation très particulière Il existe certaines formes de bois dont l'offre répond positivement à la demande : beaucoup de petit bois est laissé sur coupe car le prix offert par les utilisateurs ne suffit pas à payer le conditionnement et le transport de ce bois. De la même façon des travaux d'entretien, dépressage, élagage, ne sont pas faits car, malgré leur excellent "taux de rentabilité interne", ils ne peuvent pas être financés de suite par le produit de la vente des bois qu'ils libèrent. Une hausse du prix d'achat des petits bois a, dans ces conditions, un effet sensible sur l'offre. Mais, le plus souvent, une demande plus intense de bois ne suffit pas à en augmenter l'offre. L'arbre est un produit qui prend beaucoup de temps pour se former, plusieurs décennies, au moins dix ans pour des arbres à croissance rapide. Les dépenses de sylviculture, plus importantes au moment de la plantation puis incessantes toute la vie de l'arbre (dépressage, élagages, entretiens des fossés etc.) ne peuvent donc être remboursées qu'au moment de la coupe des bois, longtemps après. C'est une première caractéristique de l'économie de la forêt : le sylviculteur n'a pas tant besoin de subventions ou de prêts bonifiés que d'un financement remboursable, intérêts et capital, lorsqu'il coupe des bois - les bois dont le financement permet la culture ou d'autres bois appartenant au même propriétaire. Une fois l'arbre formé, se pose la question de l'âge optimal de coupe. Cet âge existe puisque tout le monde est d'accord pour dire qu'il y a un âge où il serait trop tôt de le couper et un âge où ce serait trop tard. Comment la décision de couper les bois dépend-elle de la demande de bois ? L'arbre mûr n'est pas un bien qu'il faut vendre dès qu'il est produit ; bien au contraire : tant qu'il ne risque pas de s'abîmer, il continue de croître de sorte que le propriétaire considère qu'il peut le garder sans que cela ne lui coûte rien alors même que, le coupant pour reboiser, il pourrait gagner davantage d'argent sur le long terme. Si la demande devient plus forte, il est probable, se dit le propriétaire, que les prix vont augmenter. Alors, mieux vaut attendre puisque le fait de conserver ses arbres semble ne rien lui coûter. Si une demande plus intense ne suffit pas à susciter une offre plus grande, comment l'offre de bois est-elle déterminée? L'arbre mûr est une épargne. L'âge de coupe des arbres dépend sans doute partiellement de la psychologie du propriétaire (de son "taux d'actualisation implicite") ; il dépend surtout de ses besoins financiers et aussi des possibilités de placement financier alternatif dans le cas où il n'a pas besoin d'utiliser de suite le produit de la vente de ses arbres. Or l'épargne-bois a des caractères qui
correspondent aux
besoins financiers de la sylviculture : différé de
rémunération,
indexation sur la valeur du bois. Si l'on établissait une
relation
entre les besoins des uns et les possibilités des autres,
à
la fois la "mobilisation" des bois et la sylviculture seraient
grandement
facilitées. Il y a une autre source possible de financement : demander aux
automobilistes de financer, non pas seulement du biocarburant mais
aussi la sylviculture et les réseaux de chaleur, ce qui serait
beauocup plus efficace. Cultiver des bois et sécuriser les livraisons de bois Pour susciter de nouvelles plantations et pour faire en sorte que soient réalisés tous les travaux de sylviculture utiles, il est nécessaire de proposer aux sylviculteurs un financement adapté à leurs besoins c'est à dire un prêt remboursable, intérêt et capital, au moment de la coupe de bois et garanti contre les risques naturels et, le cas échéant, les incendies. Ces prêts existent sous le nom de PID (prêts indexés et différés) ; ils sont peu développés faute de refinancement. Pour contourner la difficulté qui pourrait naître
du morcellement
de la forêt, des exploitants forestiers ou des groupements de
propriétaires
pourraient réaliser des travaux sur des parcelles contiguës
ou voisines. Voici une façon de procéder : un exploitant forestier, qui peut être par exemple une coopérative de sylviculteurs, un fournisseur de chaleur domestique distribuée par un réseau, un producteur de biocarburant, prend en charge techniquement et financièrement les travaux à réaliser sur plusieurs propriétés voisines, finance ces travaux par lui-même ou à l'aide d'un PID et passe avec les propriétaires un double contrat : une reconnaissance de dettes d'une part, un contrat de livraison de bois d'autre part, étant entendu que la livraison d'une certaine quantité de bois éteint la dette.(1) Des dispositifs de ce genre - financement par prêts indexés différés (et garantis contre les risques), regroupement de travaux sur des parcelles voisines, prise en charge technique et financière des travaux par l'exploitant, couplage d'une reconnaissance de dettes et d'un contrat de livraison de bois - ont été effectivement expérimentés pour le programme de plantation d'eucalyptus autour de St Gaudens et pour des plantations ou des entretiens de pins maritimes. (2) Aujourd'hui (début 2010 - c'est toujours vrai
fin 2014 !) la
seule chose que l'on puisse dire au sujet des prix du pétrole et
du gaz, c'est que leur évolution est imprévisible. Par
contre, si la France veut tout à la fois diminuer ses
émissions de CO2 et renforcer son autonomie
énergétique, il faudra que le prix à la
consommation finale du fioul et du gaz augmente ou que l'Etat apporte
son concours à la production et à la vente de biomasse.
On estime, sur ce site Internet, que, dans l'hypothèse où
les énergies sans carbone ne sont pas aidées, pour
diviser par trois nos émissions, il faudra que le prix du fioul
soit de1300 €/m3 TTC, celui du gaz de 120 €/MWh TTC. A ce prix, la
sylviculture peut devenir plus intéressante ; on peut
également penser aux plantations à courte
révolution. En
2009, des entreprises de chauffage proposent des "contrats de culture"
à des sylviculteurs.
Ecrit
en novembre 2013 - ajusté fin 2014 Pour
financer la sylviculture et les réseaux de chaleur voir ici une note d'une page (c'est une des "notes brèves" sur énergie
et effet de serre rédigées durant l'automne 2013) ; voir aussi le rapport sur les réseaux de chaleur
(1) Tout cela est décrit dans "L'économie de la forêt - mieux exploiter un patrimoine" – H. Prévot, Edisud - que l'on peut se procurer auprès de l'auteur. (2) Le dispositif contractuel fut une réussite puisque les plantations ont été faites. L'échec technique dû au gel a montré l'efficacité des "clauses de sauvegarde" prévues dans ce dispositif. |