Le 7
octobre 2008 Beaucoup diminuer les émissions françaises de
gaz à effet de serre pour
pas trop cher Analyse et propositions
Pour éviter un réchauffement catastrophique, l’humanité devra laisser sous le sol plus de la moitié de l’énergie fossile accessible à un coût qu’elle est prête à payer. Le charbon, qui commence à prendre le relais du pétrole, est détenu principalement par les Etats-Unis, la Russie, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud et l’Australie. Pour ne pas consommer quelque chose d’économiquement accessible, il faudra une régulation politique. Or il est beaucoup plus facile de réguler la production que la consommation. Diviser par deux la production pour multiplier les prix par trois, c’est l’intérêt des pays exportateurs qui, agissant ainsi, pourront dire qu’ils sauvent le monde. Si tel est le cas, la France manquera de ressources fossiles pourtant encore fort abondantes sur Terre : pénurie « stratégique », non pas technico-économique. Pour sa sécurité d’approvisionnement en énergie, la France a donc intérêt à réduire sa consommation d’énergie fossile ; agissant ainsi, elle contribuera à la lutte contre l’effet de serre. Pour diviser par
trois en trente
ans la consommation française d’énergie fossile (fioul,
gaz, carburants
pétroliers et charbon) sans pénaliser l’industrie, les
secteurs du
transport, du résidentiel et du tertiaire devront dans
trente ans consommer
chaque année 100 millions de tep (100 Mtep) de moins
d’énergie fossile que
selon une évolution tendancielle. Consommer 17 Mtep contre 87 Mtep aujourd’hui et 121 selon la tendance (Observatoire de l’énergie 2008). Dans le transport, le résidentiel et le tertiaire, la biomasse peut éviter la consommation de 25 Mtep, les autres énergies renouvelables quelques millions de tep, l’électricité 33 Mtep, les économies d’énergie 40 Mtep, dont la plus grande partie (plus de 25 Mtep) grâce à l’isolation thermique des bâtiments et le remplacement des chaudières et des véhicules par des matériels plus efficaces, le « changement de comportement » des consommateurs (travail à domicile, covoiturage, usage du transport en commune, baisse de température de chauffage, usage du vélo ou de la marche à pied, etc.) permettant d’éviter la consommation de moins de 15 Mtep. Pour plus de 85 % une politique de lutte contre les émissions (ou de réduction de la consommation d’énergie fossile) aura donc pour objet, non pas de « modifier les comportements », mais d’ouvrir les marchés de nouveaux produits et services. Par
ailleurs, considérer de la même façon
toutes les formes d’énergie n’a pas de sens. Un rayon laser
est une énergie
de qualité bien supérieure à la lumière
solaire par exemple. On peut faire une
énergie de bonne qualité avec des quantités bien
supérieures d’énergie de moins
bonne qualité, en rejetant de grandes quantités
d’énergie médiocre (second
principe de la thermodynamique). On aurait tort de compter cette
énergie
rejetée comme une « perte
d’énergie ». Le progrès génère de
nouvelles
possibilités d’utiliser intelligemment des quantités
croissantes d’énergie. Fort
heureusement il n’y a pas de limite
connue aux quantités d’énergie disponibles sans
émissions de gaz à
effet de serre car la limite est sans cesse repoussée par le
progrès technique.
Face à l’énergie solaire et à l’énergie
nucléaire nous sommes aujourd’hui comme
l’homme préhistorique de Mésopotamie qui voyait suinter
sur le sol un liquide gras dont il
imbibait un bois pour en
faire une torche. Il
faut voir comment
l’on passe du coût des dommages causés par l’effet
de
serre à un objectif quantitatif d’émission : les études macroéconomiques
montrent que pour
minimiser les coûts globaux, y compris le coût des
dommages, il faut limiter la
hausse des températures à 2 ou
La lutte contre les émissions étant l’affaire de tous, l’Etat doit fixer des critères simples pour distinguer ce qui est utile et ce qui est trop coûteux. L’objectif est de diminuer les émissions de carbone fossile ; les ressources utilisées seront les finances (publiques et privées) et, si l’on consomme de la biomasse, les sols agricoles ou forestiers. Les critères généraux de « bonne action climat » concernent donc le coût et l’utilisation du sol ; d’autres critères tiendront compte des conditions locales (la consommation d’eau par exemple). Le « coût du carbone » d’une décision qui permet d’émettre moins de gaz carbonique fossile est ce qu’il faut dépenser de plus, lorsque l’on prend cette décision, que ce que l’on aurait dépensé si on ne l’avait pas prise. Cette différence dépend bien sûr du prix à la consommation finale du fioul, du gaz ou du carburant pétrolier. Une décision dont le coût du carbone est 400 €/tC si le pétrole est à 60 $/bl a un coût du carbone de 200 €/tC si le pétrole est à 90 $/bl, l’euro valant 1,5 $. C’est pourquoi, pour être un chef d’orchestre facile à suivre, l’Etat choisira un autre critère, qui est équivalent et qui ne dépend pas du prix du pétrole.
On évite - ou on évitera - d’émettre 4 ou 5 tonnes de carbone par hectare et par an en utilisant la biomasse comme chaleur, presque autant en l’utilisant pour produire du biocarburant avec de nouvelles techniques.
Le prix de l’électricité peut varier de 1 à 50 ; selon les techniques, sa production émet plus ou moins de gaz carbonique ou n’en émet pas. Il est donc insensé de considérer l’électricité comme un produit homogène. Un moteur électrique est trois ou quatre fois plus efficace qu’un moteur à carburant liquide ; une pompe à chaleur qui consomme 1 tep d’électricité permet d’introduire 2 ou 3 tep de chaleur solaire dans un bâtiment. Voici une autre méthode efficace : combiner l’électricité, qui ne se stocke pas, avec du carburant ou du fioul, qui se stockent très bien. Deux exemples : le chauffage hybride électricité/fioul et le véhicule hybride électricité/carburant. Dans l’un et l’autre cas, l’alimentation en électricité peut être interrompue automatiquement par télécommande dès que le prix de l’électricité dépasse une certaine valeur. Cette électricité effaçable peut être très bon marché ; elle permet une très bonne utilisation des moyens de production de l’électricité. Le
chauffage hybride fioul/électricité
: dans un logement équipé d’un chauffage central, il
suffira d’introduire une
résistance électrique de 5 KW dans l’eau du chauffage
central en amont de la
chaudière. Le thermostat d’ambiance relancera le brûleur
à fioul quand il
faudra pour maintenir la température. Un tel système
remplacera au moindre coût Un chauffage
hybride et des
véhicules hybrides procurent une très bonne sécurité
d’approvisionnement en
électricité : plusieurs dizaines de GW et
des centaines de TWh,
puisque toute les citernes à fioul et les réservoirs de
voitures forment un très
gros stock stratégique.
On a dit plus haut qu’aujourd’hui la façon la plus efficace d’utiliser la biomasse est de la brûler. Donc, plutôt que de financer la production de biocarburant, la contribution demandée aux automobilistes serait trois fois mieux utilisée si elle servait à financer des réseaux de chaleur alimentés par de la biomasse qui remplaceraient du fioul, une matière avec laquelle il est facile de faire du gazole. De nouvelles techniques utilisant la plante entière produiront du carburant de façon plus efficace (procédés de gazéification et synthèse notamment ou peut-être, traitement enzymatique). L’énergie de processus sera apportée par une source externe, probablement une énergie nucléaire.
L’électricité : Les pointes de consommation seront effacées par la combinaison entre électricité et hydrocarbures liquides ; les capacités utilisées les quatre mois d’hiver seront utilisées le reste de l’année pour la climatisation et, surtout, pour la production de biocarburant. En tenant compte des besoins de l’industrie, il faudrait - selon le résultat donné par le tableur version 22/10/08 - 55 GW de plus de capacité qu’aujourd’hui. La
capacité des éoliennes sera limitée par respect de
l’environnement et pour
préserver la stabilité du réseau. La seule
alternative envisageable au
nucléaire est donc la production à partir de charbon ou
de gaz avec stockage du
gaz carbonique : la technique n’est pas au point, elle laisse
échapper
entre 10 et 15 % du gaz carbonique, elle nous met sous la
dépendance des
fournisseurs et elle coûte deux fois plus cher que le
nucléaire. Il faudra tout
de même des centrales au gaz ou au charbon pour répondre
aux besoins avant la
mise en production de nouveaux réacteurs nucléaires. Augmenter en
trente ans la
capacité de près de 50 GW par des réacteurs
nucléaires en
prévoyant le remplacement du
parc actuel conduit à lancer chaque année la construction
de 2 puis 3 réacteurs. Dans un marché librement
concurrentiel, les producteurs
d’électricité nucléaire bénéficient
d’une rente considérable (payée par les
consommateurs) si la capacité de production est insuffisante car
le prix de
l’électricité nucléaire se met alors au niveau du
prix de revient d’une
électricité produite à partir de gaz ou de charbon
(y compris la pénalité gaz
carbonique !). Pour baisser les prix, l’Etat fixera donc le tarif
de l’électricité
et la capacité de production nucléaire. Répondre efficacement aux
particularités
de l’économie de la forêt Le
bois susceptible d’être coupé peut être
conservé sur pied encore de nombreuses
années. Une intensification de la demande, pouvant faire monter
les prix,
n’incite donc pas le propriétaire à le vendre de suite.
Par contre, toute
décision de sylviculture a pour conséquence de couper du
bois. Par ailleurs, le
cycle financier de la sylviculture est fait de longues périodes
de dépenses
entrecoupées de moments de recettes, un profil très
particulier qui demande un
financement adapté qui n’existe pas : des prêts
remboursables, intérêts et
capital, au moment de la coupe. Un prêt adapté sera donc
doublement efficace
car il suscitera un investissement qui, à terme, produira du
bois et, en même temps, il suscitera
la mise sur le
marché de bois qui, autrement, n’auraient pas été
vendus. Il
en est ainsi des éclaircies et des balivages et, surtout, de la
transformation
en futaies de grandes superficies de taillis dont les bois n’ont pas
une valeur
suffisante pour financer une nouvelle plantation. L’offre d’une
épargne
équivalente à l’épargne « bois sur
pied » pourrait également susciter
la vente d’arbres arrivés à maturité.
Electricité
et biomasse
permettront de remplacer 58 Mtep de fioul, gaz et carburant, à
quoi s’ajoute la
chaleur solaire pour quelques Mtep, le tout pour moins cher que si le
fioul
était à 1100 €/m3, le gaz à 90 €/MWh et le
gazole à 1,6 €/l. A ce prix là,
il est probablement possible, d’ici trente ans, d’éviter
40 Mtep d’énergie fossile par des économies
d’énergie de
chauffage et de transport en
diminuant fort peu le service rendu par l’énergie (distances
parcourues,
température de locaux). L’isolation
des combles, le
remplacement des vitres, le changement des chaudières et des
voitures par des
modèles plus efficaces permettront, pour moins cher que les prix
indiqués
ci-dessus, des économies d’énergie substantielles. L’urbanisme diminuera les consommations
« obligatoires »
d’énergie et facilitera l’usage du vélo et des transports
en commun. Les interventions de l’Etat peuvent être ciblées ou de portée générale. Par les décisions ciblées, il prend la responsabilité du choix des techniques, il crée des cloisonnements qui dessinent autant de terrains où joueront les groupes d’intérêt, il prend le risque de ne pas traiter tout le monde de la même façon. Les décisions de portée générale évitent ces défauts et ont l’avantage de créer un cadre à l’intérieur duquel l’initiative privée, celle des entreprises et celle des particulier, peut s’exprimer librement. Les décisions de portée générale sont les plus équitables et respectent au mieux la liberté individuelle. Les décisions proposées ci-dessous peuvent sans doute être prises de suite sauf peut-être, la seconde. 1- L’Etat fixera l’objectif à atteindre et publiera deux critères : - L’objectif :
diviser
par trois en trente ans notre consommation d’énergie fossile. - Le critère de bonne utilisation du sol et le critère de coût : fixer les prix de référence qui serviront de critère pour distinguer les actions utiles des actions trop coûteuses – cf. ci-dessus § 2.1 Proposition : 1100 €TTC/m3 de fioul, 90 €TTC/MWh de
gaz,
1,6€TTC/l de gazole. Est utile toute décision qui
coûterait moins cher que ce
que coûterait l’utilisation de fioul, de gaz ou de carburant
à ce prix.
Proposition : Une contribution climat sera
calculée en
fonction du prix mondial de l’énergie pour que le prix ne soit
pas inférieur au
prix plancher, aujourd’hui par exemple 700 €/m3 de fioul, 60 €/MWh de
gaz 1,2
€/l de gazole. Aujourd’hui, aux prix actuels du pétrole, la
contribution
climat est nulle. Une partie du produit de la contribution climat servira à financer une aide à ceux à qui celle-ci causerait de graves difficultés ; cette aide ne dépendrait pas de leur consommation effective.
L’Etat
lui-même ou des banques avec qui il aura passé une
convention feront ces prêts
à l’industriel qui investit pour produire des véhicules
hybrides, à la commune
qui installe un réseau de chaleur à la biomasse, au
particulier qui isole sa
maison ou installe une pompe à chaleur par exemple. Ce
financement et le prix
plancher réduiront l’incertitude qui aujourd’hui bloque
des décisions
d’investissement tant des entreprises que des consommateurs.
5- L’Etat évaluera ses propres projets d’investissements en supposant que les prix du fioul, du gaz et du carburant sont à leur niveau de référence.
Obligation
sera faite aux
distributeurs de carburants d’acquérir un minimum de « certificats
d’incorporation de bioénergie » en introduisant
du biocarburant, en
finançant un réseau de chaleur à la biomasse ou en
en achetant à un autre
distributeur de carburant. Cela permettra de financer le
« fonds chaleur
biomasse ».
******** Le chauffage et le transport ne pourront éviter la consommation de 100 Mtep par an de pétrole et de gaz qu’avec de nouveaux équipements et de nouvelles sources d’énergie, électricité et biomasse pour l’essentiel. Il faudra pour cela légèrement élever le prix à la consommation finale de l’énergie fossile. Les changements de comportement, dont on nous parle tant, n’auront que peu d’effet ; ils seront induits par la hausse du prix de l’énergie beaucoup plus que par des appels à la responsabilité individuelle. L’Etat doit donc agir pour susciter les nouveaux marchés de biens et services dont on a besoin. Il le fera au moindre coût en réduisant l’incertitude qui naît des fluctuations du prix du pétrole. Son action sera efficace si elle évite les cloisonnements, propices au jeu des groupes d’intérêt. Les décisions proposées ci-dessus sont presque toutes différentes de la politique engagée aujourd’hui. Elles seront acceptées si les Français se rendent compte des enjeux, l’autonomie de la France plus que la diminution de nos émissions, si l’Etat peut démontrer que les coûts resteront modérés, grâce notamment à une utilisation intelligente de l’électricité et de la biomasse et au faible coût de l’électricité nucléaire, et si toutes les conditions de la sécurité des centrales sont réunies, ce qui demande que l’Etat maîtrise la capacité de production et les prix de l’électricité, que la production soit préservée des pressions de la concurrence, qu’une information objective soit donnée sur le fonctionnement des centrales et la gestion des déchets. Outre l’indépendance énergétique, cette politique donnera à nos entreprises une nouvelle impulsion et une compétence qui les renforceront dans la compétition mondiale. |