note écrite au début de 2008, mise à jour en 2012

Les biocarburants

- Un produit aujourd'hui   inutilement coûteux  ;  demain   nécessaire si la décision politique est prise de réduire beaucoup les émissions de gaz carbonique
- La technique : biocarburant, comme aujourd'hui, à partir seulement de l'huile ou du sucre, ou, comme demain, à partir de tout le carbone organiques

Les quantités et les coûts -  texte écrit fin 2009, complété en juin 2011

- Le coût : le ministère de l'économie a publié en juin 2011 une présentation abrégée et mise à jour d'une étude réalisée en 2010 ; il en ressort que le coût de production par un procédé Fischer Tropsch serait de 1000 €/m3, ce qui conduit à 1,8 €/l, à la pompe, y compris la TIPP du gazole. Pour y arriver en 30 ou 40 ans, il faudrait donc une augmentation de 2 c€/l chaque année, en monnaie constante. C'est plus que l'évaluation que nous avons faite il y a trois ans dans "Trop de pétrole !", qui conduisait à 1,45 €/l, mais ce n'est pas dramatique et c'est largement moins que ce que d'autres annoncent, voulant porter le prix du carburant à 2 ou 3 €/l. Voir ici une note montrant lcomment le coût de production dépend du prix de la biomasse, du coût du financement, du prix de l'électricité.

- Les quantités pouvant être produites : une récente étude parue en septembre 2009 montre que l'on pourrait produire avec des cultures et des taillis à courte révolution 90 M de tonnes sèches sur 7 Mha de terres agricoles alors que les surfaces agricoles convertibles sont évaluées à 10 ou 13 Mha, en améliorant la situation du point de vue de l'environnement (phytosanitaires, nitrates et consommation d'eau). Cette biomasse permettrait de produire 14 Mtep de biocarburant de seconde génération sur des terres agricoles sans apport d'énergie externe ; en apportant de l'énergie externe, il est donc possible de produire largement plus de 20 Mtep en améliorant l'environnement. Voir l'étude Eau et biocarburants - impacts sur l'eau du dévelopement des biocarburants en France à l'horizon 2030,  notamment sa p. 34.
Les valeurs retenues sur ce site, qui en avaient étonné plus d'un, se trouvent donc validées par cette étude. C'est une bonne nouvelle : en France, il est possible de diviser par quatre les émissions de CO2 des véhicules et des avions en augmentaant les distances parcourues, en remplaçant un tiers du carburant liquide par de l'électricité et en produisant plus de 20 Mtep de biocarburant.
Néanmoins, cela demande un apport d'électricité très important. L'utilisation directe d'électricité est plus efficace. L'équilibre entre biocarburant et électricité dépendra donc du progrès des batteries et des capacités de production nucléaire. Dans le scénario de référence revu en juin 2011, la production de biocarburant est de 12 Mtep seulement, la consommation d'électricité par le transport sur route ou par air de 8 Mtep. Mais il est possible de prévoir 20 Mtep de biocarburant sans augmenter la capacité nucléaire si le biocarburant est produit hors saison froide en utilisant les capacités de production disponibles.
En 2010, la société Shell a fait savoir qu'elle avait mis au point un nouveau procédé par voie chimique et testé le carburant ainsi produit à partir de matière lignocellulosique ; ce procédé suppose que l'on apporte de l'extérieur de l'hydrogène et de l'alcool. Nous ne connaissons pas les bilans énergie et CO2 de ce procédé ni sa capacité de production de biocarburant par hectare.


- Alors aujourd'hui, que décider au sujet du biocarburant ? 
     Il ne semble pas pertinent de vouloir dès aujourd'hui augmenter la production de biocarburant ; mieux vaut commencer par brûler la biomasse.
     une variante qui combine fiscalité, réglementation et instruments de marché pour suivre un  chemin optimum  : dans un premier temps développer l'usage chaleur et mettre au point des techniques efficaces de production de biocarburant, puis développer l'usage du biocarburant.

- Mais la décision du gouvernement est différente : l'E85 (carburant à 85% d'éthanol), c'est cher !

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une présentation et la table des matières de "Trop de pétrole !"  - le Seuil

Au sujet de l'effet de serre, le biocarburant a une position très particulière.

Si l'on veut diminuer  les émissions de gaz à effet de serre seulement de 20 ou 30 % par rapport à la tendance, il ne faut surtout pas faire de biocarburant. C'est du pur gaspillage. Mieux vaut brûler du blé ou de la betterave dans des chaudières de chauffage collectif ou industriel que d'en faire du biocarburant - il vaut encore mieux brûler du bois, évidemment ou d'autres cultures qui produisent beaucoup de biomasse : on peut compter jusqu'à 15 tonnes par hectare.

Mais si l'on veut diviser par deux ou trois nos émissions de gaz à effet  de serre, il est nécessaire de faire du biocarburant. Ce fut une surprise. J'étais d'avis que produire du  biocarburant est du pur gaspillage et c'est exact aujourd'hui. Mais, dès que j'ai commencé à travailler sur les tableaux de "ressources-empois" d'énergie, en 2003, je me suis rendu compte que pour "boucler" un tableau qui divise par trois (par habitant) les émissions de gaz carbonique il faut passer par le biocarburant car, même en stabilisant la consommation d'énergie par le transport et en utilisant au maximum l'électricité pour la propulsion des voitures et des petits utilitaires, et compte tenu de la limite d'émission de gaz carbonique, il n'y a pas assez de carbone fossile pour faire tout le carburant dont le transport a besoin. La seule autre possibilité technique serait en effet l'hydrogène produit à partir d'électricité nucléaire, dont la production, la distribution et l'utilisation dans les voitures seraient hors de prix. 

Par ailleurs, ce tableau croisé des ressources et des emplois montre que parmi les formes d'énergie qui sont utilisées le biocarburant est sans doute celle qui coûte le plus cher, en incluant les dépenses engagées par le consommateur pour pouvoir utiliser l'énergie (il se peut néanmoins que l'usage de l'électricité dans des véhicules bi-énergie coûte aussi cher, peut-être plus). Le coût du biocarburant, augmenté des impôts qu'il supportera (taxe transport et TVA) indiquera donc le niveau de prix de l'énergie - sur la fiscalité de l'énergie, voir ici.

Ainsi, une forte diminution des émissions de gaz carbonique change le "statut" du biocarburant. De produit inutilement coûteux il devient un  produit nécessaire et, qui plus est, le produit dont le prix de revient déterminera le prix de l'énergie.

Mais décider de beaucoup diminuer les émissions de gaz à effet de serre n'est pas une affaire de marché ou d'équilibre économique (puisque il y a trop de carbone fossile dans le monde). C'est une affaire purement politique. Il appartient au politique, non au marché, de décider du niveau d'émission et, en même temps, pour être cohérent, du prix de l'énergie à la consommation finale.

Une orientation a été donnée par le gouvernement comme l'indique un communiqué du ministre de l'agriculture.

Un rapport  officiel (CGM, CGREF, IGF) rédigé en 2005 montre que les efforts demandés aujourd'hui (2006) aux consommateurs pour financer le biocarburant sont très coûteux : 150 €/tonne de CO2 pour remplacer du gazole,  300 ou 400 €/tonne de CO2 pour faire de l'éthanol. Il a longtemps été publié sur le site du ministère de l'industrie. On peut le consulter ici.

Il faut donc expliquer comment nous calculons volume et prix du biocarburant.
 

La technique

Aujourd'hui le biocarburant est formé à partir d'éthanol, un produit miscible à l'essence, ou à partir d'huile, pour faire un produit diesel. L'éthanol se fait par distillation de sucre, à partir de blé ou de betterave surtout. Le second se fait à partir de plantes oléagineuses, le colza par exemple ; par une opération simple, l'huile est estérifiée, ce qui forme un "diester", assimilable au diesel. 

Dans notre scénario nous appelons avec le même mot de  "biocarburant" un carburant produit différemment, à partir de tous les composants de la plante, notamment la cellulose, l'hémicellulose et la lignine.

Deux voies sont possibles, une voie thermochimique et une voie biologique. En 2010, la société Shell a fait savoir qu'elle a mis au point une voie chimique sans doute moins consommatrice d'énergie que la voie thermo-chimique.

Dans la voie thermochimique, dite aussi "voie chaude", la matière organique, quelle qu'elle soit, huile, sucre, lignine ou cellulose, est gazéifiée (en la chauffant à 1300 degrés environ) ; il se dégage alors un "gaz de synthèse" formé de gaz carbonique, de vapeur d'eau, d'oxyde de carbone et d'hydrogène. Ces deux derniers corps sont  très réactifs. Par des synthèses contrôlées en fonction de la température et avec des catalyseurs bien choisis (synthèses Fischer-Tropsch), à partir de ce gaz  il est possible de produire les hydrocarbures que l'on souhaite, liquides ou gazeux - et même de l'hydrogène moins cher qu'à partir de l'eau. On peut produire ainsi de l'excellent carburant.

Tout le carbone de la plante est utilisé, soit sous forme de produit, soit pour fournir l'énergie dont on a besoin pour produire le gaz de synthèse puis pour faire la synthèse de l'hydrocarbure. Sans apport de chaleur extérieur, on dit que la réaction est "autothermique". En autotherme, les rendements matière escomptés, par rapport à la matière sèche, sont de 15 % : 0,15 tonne de biocarburant pour 1 tonne de matière organique. Avec apport d'énergie extérieure, ils pourraient monter à 30 %.

On peut aller plus loin. En effet, la proportion d'hydrogène par rapport au carbone est, dans la plante, plus faible que dans les hydrocarbures. La plante est en C6H9O4 c'est à dire qu'il y a 3 atomes d'hydrogène pour 2 de carbone alors que dans les hydrocarbures il y a 2 atomes d'hydrogène par atome de carbone soit 4 pour 2 de carbone. Il est donc possible de mieux utiliser le carbone de la plante en apportant de l'hydrogène. Alors le rendement matière théorique est de 58 % ; retenons qu'en pratique il pourrait être de 45 ou 50 %. Il est plus exact de dire qu'avec 100 tonnes de matière première et un apport d'hydrogène, on peut produire 45 ou 50 tonnes de carburant liquide ayant les caractéristiques d'un carburant pétrolier, c'est à dire 45 à 50 tonnes d'équivalent pétrole - tep.

On peut aussi envisager d'introduire encore plus d'hydrogène dans le gaz de synthèse pour produire du méthane. Cela n'augmentera pas beaucoup le poids mais augmentera beaucoup le pouvoir énergétique puisque chaque atome de carbone portera alors 4 atomes d'hydrogène au lieu de deux.

La "civilisation de l'hydrogène" n'est pas pour demain !
On voit donc en passant que la meilleure façon d'utiliser l'hydrogène dans la propulsion des véhicules n'est pas de l'utiliser tel quel soit dans des moteurs thermiques soit dans des piles à hydrogène mais de le "greffer" sur du carbone organique pour augmenter de 70 % le rendement matière. certes, il faut dans les deux cas produire de l'hydrogène mais, par la voie biocarburant, on évite une nouvelle motorisation et tout un circuit de transport et de distribution et  aussi tous les risques que fait courir l'uilisation de l'hydrogène !

Dans la voie biologique,  la matière lignocellulosique,  la cellulose et l'hémicellulose sont attaquées par des enzymes qui en font de l'éthanol. Il faut d'abord suffisamment déstructurer la lignine pour que les enzymes puissent faire leur travail puis il faut une distillation pour récupérer l'éthanol. Beaucoup reste à faire, du moins en Europe (car il se peut que d'autres pays soient plus avancés)  pour sélectionner ou créer des enzymes suffisamment efficaces et pour s'assurer de la stabilité et de la fiabilité des processus. Ce procédé, s'il peut être mis au point, sera moins consommateur d'énergie que le procédé thermochimique ; il pourra utiliser la lignine pour fournir l'énergie dont il a besoin, mais ne pourra jamais l'utiliser comme matière première. De plus, il fournit seulement de l'éthanol ce qui ne convient pas au marché des carburants, orienté massivement, en Europe, vers le diesel.

Pourquoi cette préférence pour le diesel ?
L'Europe a fixé aux constructeurs des normes d'émission de gaz carbonique qu'il est moins difficile d'atteindre avec des moteurs diesel. Comme la quantité de biocarburant est fixée par l'effort budgétaire (puisque le biocarburant est détaxé), il n'est pas étonnant que le diesel soit préféré à l'essence. Les agriculteurs auraient bien tort de penser que cela signifie que les industriels préfèrent a priori la colza au blé ou à la betterave ou la voie sèche à la voie humide !

Les rendements à l'hectare

Avec les techniques utilisées aujourd'hui, avec un hectare de terre le rendement net de production de biocarburant est en moyenne de 1,2 tonne par hectare - rendement net veut dire que l'on enlève toute l'énergie apportée de l'extérieur, qui est souvent de l'énergie émettrice de gaz carbonique. C'est une moyenne qui en fait ne veut rien dire. La betterave permet d'éviter l'émission de 2,5 tonnes de carbone fossile par hectare et par an, le blé 0,8 tC/ha/an. Il sreait plus exact de tenir compte du pouvoir calorifique de la paille ; alors le blé permet d'éviter l'émission de 1,2 tonne de carbone par hectare et par an.

Avec le procédé par gazéificiation et synthèse, comme on l'a dit plus haut, le rendement massique serait de 15 % sans apport de chaleur extérieure (15 tonnes de biocarburant pour 100 tonnes de matière sèche), 30 % avec apport de chaleur extérieure et 50 % avec apport d'hydrogène.

La chaleur extérieure et l'hydrogène devront être produits sans émissions de gaz carbonique, c'est à dire à partir d'énergie nucléaire ou à de fossile avec séquestation de gaz carbonique.

La production des arbres à croissance rapide ou de plantes sélectionnées pour la quantité de matière organique produite peut être de 15 tonnes par hectare et par an

Dans son étude  publiée en septembre 2009, l'IDDRI parle de 90 millions de tonnes sèches sur 7 millions d'hectares en améliorant l'environnement, soit 13 tonnes par hectaree t par an.

Après cette étude, le passage suivant, rédigé il y a cinq ans, est désormais inutile
La production de biocarburant serait donc de l'ordre de 2,2 tep nette par hectare et par an sans apport de chaleur extérieure. En moyenne, il est prudent de compter un peu moins. Il faut aussi ôter les émissions de gaz carbonique dues aux engrais, à l'énergie mécanique (labours, transports), soit environ 10 % (avec des variétés végétales qui consomment peu d'engrais). Retenons donc entre 1,5 et 2 tep par hectare et par an. Ce rendement passera à  3  avec apport de chaleur extérieure et dépassera 4 avec apport d'hydrogène ! Ces chiffres supposent que le changement climatique ne ralentissent pas la production biologique (du fait d'une température excessive ou du manque d'eau notamment).

Si l'on veut beaucoup diminuer nos émissions, il faudra que la production de biocarburant soit supérieure à 3,5 tep par hectare et par an avec un apport d'énergie et d'hydrogène venant de l'énergie nucléaire ou d'énergie fossile avec séquestration du gaz carbonique.

On recherchera donc, non pas les plantes qui font le plus de sucre ou d'huile, mais celles qui font le plus de matière organique, comme la maïs, le tritical ou d'autres plantes organiques ou encore les taillis à croissance rapide et à courte révolution ; on choisira les plantes qui conviennent le mieux au terrain et qui ne demandent pas trop d'eau ni d'engrais.

Avec un rendement massique de 30 %, il suffirait de 5,5  Millions d'hectares  (sur  une surface convertible comprise entre 10 et 13 Mha) pour produire 21 Mtep de biocarburant. Mais on n'aura peut-être pas besoin d'autant de biocarburant ; cela déendra des progrès des batteries.
 

Les coûts

Les biocarburants produits aujourd'hui
Les carburants "plante entière" ou "de seconde génération"

Les biocarburants de première génération

Même pour les biocarburants produits aujourd'hui, on a un peu de mal à connaître le coût de production. On peut penser que ce coût n'est pas supérieur au prix hors taxes du carburant pétrolier en 2004, sachant que les biocarburants jouissent d'une exonération de TIPP très importante, presque totale en ce qui concerne les diesters, qui se substituent au diesel. Au début 2004, le prix moyen de vente du gazole à la pompe était de 81 €/hl TTC, donc 68 €/hl hors TVA. Le prix hors toutes taxes était de 26 €/hl, la TIPP de 42 €/hl. Le prix hors toute taxes du biocarburant diesel rendu à la pompe était de 60 €/hl. Si la production augmente beaucoup, le coût du diester diminuera certainement. 

Le coût du biocarburant tient compte d'une aide agricole à la production des plantes qui servent à la production de biocarburant, et l'impact de cette aide va certainement changer. Cette aide pouvait être en 2008 de 400 €/ha (c'est un maximum) soit, pour un rendement moyen de 1,2 tep/ha, 330 €/tep, soit 26 €/hl. Sans aide à l'agriculture et hors taxe, le prix à la pompe du biocarburant diesel serait donc aujourd'hui de 86 €/hl soit 1000 €/tep.

coefficients de conversion :
      Le super pèse 755 kg par m3, le gazole 845 kg par m3
      Une tonne de super vaut 1,05 tep ; une tonne de gazole vaut 1 tep
      1 tep de super émet 0,83 tonne de carbone (TC) dans l'atmosphère, 1 tep de gazole 0,86 TC
      Le biocarburant diesel a les même caractéristiques que le gazole.

Les biocarburants de seconde génération utilisant toute la biomasse

A l'avenir le paysage sera différent car les rendements de production de biocarburant par hectare seront doublés ou triplés et l'on ne sait pas quelle sera la subvention à l'agriculture ou à la sylviculture.

Le rendement de production de biocarburant par hectare augmentera pour plusieurs motifs différents : une plus grande utilisation de la matière organique par hectare (car la production organique srea plus grande et on utilisera une plus grande partie de la matière produite) et un meilleur rendement massique de l'utilisation de la matière utilisée (grâce à un apport extérieur de chaleur et d'hydrogène).

Si le rendement de production de biocarburant à l'hectare est doublé, voire triplé, l'effet de la subvention à l'hectare s'estompe mais les coûts de production à la tonne produite diminueront.

Les calculs faits par le CEA en 2006 conduisent, selon la taille de l'installation à des résultats différents. en comptant le coût de production de la matière organique et les frais financiers, mais sans compter les bénéfices, le coût de production du biocarburant sortie usine serait, tel qu'il est aujourd'hui calculé, de 74€/hl à 51 €/hl selon la taille de l'installation, soit autour de 70 €/hl .

Une étude faite en 2009 conduit à un coût de production de 1100 €/tonne soit  93 €/hl. Pour avoir le prix hors taxe à la pompe, il faut ajouter le coût du transport et de la distribution (6 €/hl) et des bénéfices (3 €/hl pour un bénéfice de 5 %) soit environ 102 €/hl à la pompe hors taxes. Le carburant produit par gazéification et synthèse aura des caractéristiques aussi proches que l'on veut des carburants d'aujourd'hui et même peut-être plus performantes. On peut donc compter que 1 tonne de ce biocarburant fera 1 tep.

Retenons comme hypothèse que le prix à la pompe hors taxe est de 102 €/hl.  En ajoutant une taxe transport égale à la TIPP aujourd'hui appliquée au gazole (soit 43 €/hl)  et la TVA on arrive à 1,75 €/l. 

Cette valeur est supérieure à celle que j'ai donnée dans "Trop de pétrole !" (1,45 €/l) ; on peut espérer que les progrès techniques diminueront le coût de production de biocarburant.

C'est le niveau de prix qu'il est prudent de retenir. Par rapport au prix de 2009 (environ 1 € par litre de gazole), c'est une augmentation, en monnaie constante de 2 ou 3 centimes d'euro par litre tous les ans, en monnaie constante.

On peut aussi dire, en tenant compte de l'inflation (si elle est de 1 à 2 % par an) que le prix augmenterait chaque année de 4 centimes d'euros par an en monnaie courante - cela, indépendamment du prix du pétrole.

Ce prix peut être inférieur si la production agricole en amont est aidée : une subvention de 400 €/ha a un effet de 0,1 à 0,15 €/litre.

En fait, il n'est pas nécessaire de connaître aujourd'hui le montant exact. Il suffirait d'une augmentation modérée et régulière chaque année dès aujourd'hui, jusqu'à ce que le prix du carburant suffise à payer le coût du biocarburant et les taxes.

Naturellement, tous les chiffres sont exprimés en monnaie constante.
 
 

Le procédé annoncé par Shell en 2010 - voir notamment un article paru dans la Recherche en juillet-août 2010

A partir de biomasse lignocellulosique, production d'acide lévulinique. Celui-ci est transformé en acide valérique par hydrogénation. Celui-ci  réagit avec un alcoll pour faire un ester qui, selon l'alcool utilisé,  peut être ajouté à de l'essence ou à du gazole. Shell annonce que ce biocarburant a été testé sur dix véhicules qui ont fait en tout 250 000 km. Selon Shell, les pocédés de production sont simples et utilisent des réactions chimiques connues. Ce procédé demande de l'hydrogène et consomme de l'acool, éthanol pour produire de "l'essence" ou un alcool plus lourd pour produire du "gazole". Il sera intéressant de connaître le bilan énergie (la production d'hydrogène demande beaucoup d'énergie), le bilan carbone (la production d'alcool cause des émissions de CO2) et la quantité de biocarburant produite par hectare de biomasse (comme on l'a vu plus haut, on produit peu d'éthanol par hectaure de biomasse).


Sur les possibilités offertes par la biomasse comme base de production de biocarburant : de 1 à 10

Soit une quantité de biomasse QBM qui aujourd'hui permet de faire assez de biocarburant pour parcourir 100 km
Avec la même quantité
- en utilisant non pas seulement le sucre, l'amidon ou les huiles mais toute la biomasse, on pourra parcourir 200 km
- avec un apport de chaleur extérieure, on utilisera deux fois plus de carbone comme matière première du biocarburant ; on pourra alors parcourir 350 km
- avec un apport d'hydrogène on pourra utiliser tout le carbone organique comme matière première d'un hydrocarbure liquide et on aura ajouté le pouvoir énergétique de l'hydrogène ajouté : on pourra parcourir 500 km

Voilà une façon commode de transporter et distribuer l'hydrogène
 

 

Si le biocarburant est inutilement cher ou nécessaire

Que décider aujourd'hui ?

Si l'on n'a pas pris la décision de beaucoup diminuer les émissions de gaz à effet de serre, ce serait du gaspillage que d'augmenter la quantité de biocarburant subventionnée à grands frais tant du côté de la production agricole par des subventions que du côté de la consommation par des dégrèvements fiscaux.

Si l'on prend aujourd'hui la décision de beaucoup diminuer les émissions de gaz carbonique, on sait que l'on aura besoin de produire du biocarburant. Cela ne veut pas dire qu'il faille augmenter la production dès maintenant, bien au contraire. Cela veut dire qu'il faut dès maintenant se préparer pour pouvoir en produire et en consommer beaucoup sans peser sur le budget de l'Etat.

Voici une séquence possible :

Dans l'immédiat :

- pousser au maximum la recherche industrielle pour mettre au point des techniques de production qui utilisent le maximum de carbone organique (gazéification, hydrolyse biologique puis apport de chaleur extérieure puis d'hydrogène)

- pousser la recherche et les essais de culture de plantes qui produisent le maximum de carbone organique et développer sans tarder ces cultures

- utiliser cette biomasse dans les réseaux de chaleur

- ne pas augmenter la production de biocarburant avec les techniques actuelles - car il y a beaucoup mieux à faire

- donc : utiliser les moyens budgétaires consacrés à la biomasse à développer l'usage thermique de ces variétés très productives de biomasse

- engager une hausse progressive, continue et régulière du prix du carburant pour atteindre d'ici une trentaine d'années un prix suffisant pour payer le coût complet du biocarburant (y compris les taxes sur le carburant) - voir ici une variante qui combine fiscalité et réglementation.
 
 

Dans les années à venir

- Dès que les nouvelles techniques seront industriellement au point, même sans apport de chaleur extérieure créer des usines de production de biocarburant

- continuer de développer les cultures très productives de carbone organique et en utiliser le produit pour faire du biocarburant

- augmenter - ou laisser le marché augmenter - le prix du carburant de la façon la plus progressive possible

- régler la production de biocarburant en fonction des moyens budgétaires disponibles tant que le prix n'aura pas atteint le niveau qui permet de payer complètement les coûts de production

- ultérieurement, apporter de la chaleur "sans carbone" puis de l'hydrogène pour augmenter la production de biocarburant par hectare de culture.
 

Il n'est pas pertinent de fixer a priori un taux de croissance de la consommation de biocarburant

Ce processus montre que la consommation de biocarburant  ne doit pas avoir un taux de croissance régulier. Par contre il serait efficace de rechercher une croissance régulière des surfaces cultivées pour les usages énergétiques. Construire aujourd'hui des usines de biocarburant sur des techniques qui seront dépassées dans quelques années demande que l'on y consacre des moyens financiers (sous forme de réductions de TIPP ou d'une autre façon) alors que les mêmes moyens seraient beaucoup mieux employés à développer l'usage de la biomasse comme chaleur, notamment par le financement de réseaux de chaleur. Voir ci-dessous une méthode possible

Redisons qu'il faut aussi financer dès maintenant la recherche industrielle et agronomique et s'engager dans une croissance régulière du prix à la consommation finale du carburant..
 

voir la feuille sur la fiscalité de l'énergie

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Une variante qui combine réglementation et fiscalité : utiliser les instruments fiscaux pour développer l'usage de la biomasse comme source de chaleur

Il pourrait être commode de faire obligation à tout fournisseur de carburant d'incorporer une quantité minimum de biocarburant et de le laisser libre du type de biocarburant qu'il utilisera. Alors, le prix du carburant sera ajusté pour couvrir les dépenses : il sera égal non pas au coût de production de biocarburant mais au coût moyen du carburant, d'origine pétrolière et organique. Mais, si ce minimum augmente régulièrement, cette méthode ne conduit pas à suivre le chemin optimum que nous proposons : dans un premier temps recherche et augmentation des usages thermiques de la biomasse, puis rapide augmentation de la production et de l'utilisation de biocarburant.

C'est pourquoi il serait recommandé de laisser aux fournisseurs de carburant la possibilité de répondre à leur obligation en rendant possible l'utilisation supplémentaire de matière organique non pas pour faire du biocarburant mais pour faire de la chaleur. Pour donner de la souplesse, il est possible d'envisager l'utilisation d'instruments de marché : des certificats négociables que les fournisseurs pourront acheter à des opérateurs qui vendront de la biomasse de chaleur dans des conditions à préciser. Pour un même montant financier, l'efficacité du point de vue des émissions de gaz carbonique sera quatre à cinq fois supérieure à l'usage de la biomasse comme biocarburant !


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Le plan bioéthanol : E85. C'est cher !


Cela coûte plus de 1000 € par tonne de carbone évitée, alors que l'utilisation de biomasse comme chaleur libère du fioul, qui est du gazole, pour moins de 300 € par tonne de carbone évitée

Un plan bioéthanol a été annoncé, avec diffusion d'une "essence" à 85 % d'éthanol, l'E85.

Pour être compétitive avec le gazole, cette "essence", qui aura un pouvoir énegétique inférieur d'un tiers à celui du gazole, sera vendue 0,8 €/l soit 0,67 €/l hors TVA. Les frais de distribution d'un carburant sont de 0,08 €/litre. Ceux de cette "essence" seront supérieurs puisqu'il faudra créer tout un réseau nouveau. Au bas mot 0,15 €/l. L'éthanol pourra donc être acheté 0,52 €/l. C'est, à ma connaissance, le prix de revient annoncé par les producteurs d'éthanol. Cela veut dire tout simplement que, pour rémunérer le producteur d'éthanol comme il le demande, le bioéthanol devrait être à peu près complètement exonéré de TIPP.

Coût pour la collectivité : on fera une comparaison non avec la TIPP de l'essence, mais avec celle du gazole, de 430 €/m3. Si l'on considère que cette TIPP couvre les "coûts externes" de l'utilisation de la voiture (chaussées, encombrement, pollution, risques d'accident), elle devrait être prélevée également sur les utilisateurs d'E85, en fonction du nombre de kilomètres parcourus. Elle devrait donc être de 280 €/m3. Une exonération totale serait donc une aide de 280 €/m3 d'éthanol, soit 430 €/m3 de carburant pétrolier remplacé, soit 570 € par tep, permettant d'éviter l'émission d'une tonne de carbone fossile..

Or, lorsque l'on produit 1 tep d'éthanol, on émet en gaz à effet de serre l'équivalent de 0,4 tonne de carbone. L'aide à l'éthanol s'élève donc, selon ce calcul à 1000 € par tonne de carbone évité, avec un pétrole à 65 € par mètre cube.

Si l'on avait faisait une comparaison avec la TIPP applicable à l'essence, l'aide fiscale serait calculée à 1500 € par tonne de carbone.

Si le prix du pétrole baisse (il est probable qu'il baissera), pour que l'éthanol trouve son débouché, il faudra d'autres aides, soit des aides à l'agriculture, soit un obligation d'incorporation faite aux distributeurs, qui se traduira pas une hause du prix moyen du carburant.

Pour développer l'utilisation de biomasse comme chaleur, ce qui libère du fioul, qui est un carburant, il suffit de 300 €/tonne de carbone, en supposant le pétrole à 50 $/bl, 200 €/tC si le pétrole est à 65 $/bl.







Comment le coût de production du biocarburant dépend
du prix de l'électricité, du prix de la biomase, du coût du financement

Avertissement
Les valeurs indiquées ci-dessous sont calculées à partir de celles qui sont données dans la thèse de Carole Hohwiller, rédigée dans le cadre de l'Ecole nationale supérieure de Paris  "La production de carburants liquides par thermoconversion de biomasse lignocellulosique - évaluation pour le système énergétique français futur" - soutenue le 11 février 2011. J'ai modifié le prix de l'électricité nucléaire pour tenir compte de l'évaluation faite par la Cour des comptes : je l'estime à 55 €/MWh au lieu de 45 €/MWh dans la thèse. L'auteur de la thèse indique que certaines des composantes des coûts sont des hypothèses plus que de prévisions, lorsque les procédés concernés ne sont pas encore au point.
Le coût du financement est supposé égal à 8 % en monnaie constante. Il pourrait être légitime de prévoir qu'il soit inférieur.

Principales conclusions de cette note
Supposons que la principale contrainte soit la disponibilité en biomasse et que l'on cherche à produire un maximum de biocarburant au moindre coût. Alors il faut un apport d'hydrogène ; le rendement masse est encore augmenté si la chaleur nécessaire aux réactions est apportée de l'extérieur.
- Si l'on ne tenait pas compte des émissions de CO2, la solution la moins coûteuse serait le procédé avec apport d'hydrogène produit à partir de gaz naturel. Le coût serait de 0,85 € par litre.
-  Si l'on tient compte des émissions de CO2, ou bien l'utilisation de gaz naturel devra payer une pénalité au titre du CO2, ou bien l'hydrogène sera produit à partir d'électricité nucléaire. Si la capacité nucléaire peut augmenter, les deux méthodes conduisent à environ 1 € par litre.
- Si la capacité nucléaire ne peut pas augmenter (elle est stabilisée ou elle diminue), le "coût du CO2" sera plus élevé et le coût du biocarburant sera de 1,25 € par litre si l'hydrogène est produit à partir de gaz naturel - il serait de 2 € par litre si l'hydrogène était produit par hydrolyse, l'électricité étant éolienne ou photovoltaïque.
- La méthode la moins coûteuse pourrait être (sous réserve d'examen) de produire l'hydrogène à partir d'électricité nucléaire hors des périodes où il faut consommer de l'électricité pour le chauffage et à partir de gaz naturel en période de chauffe.
- Si le prix de la biomasse passe de 25 €/MWh à 35 €/MWh , avec apport d'hydrogène le coût de production de biocarburant augmente de 0,1 € par litre.

Prenons le cas d'une production de biocarburant par thermolyse et synthèse Fischer Tropsch avec ou sans apport d'hydrogène et de chaleur.

Sans apport de chaleur, avec apport d'hydrogène produit par électrolyse avec de l'électricité nucléaire, le rendement masse est de 50 % ; prenons pour hypothèse que la capacité de production est de 1 million de m3 par an et que le taux d'intérêt est de 8 %.
  - Si le prix de l'électricité est de 55 €/MWh et celui de la biomasse de 25 €/MWh, le coût de production est de 0,98 € par litre.
  - Si l'électricité est produite par des énergies renouvelables à 120 €/MWh, le coût passe à 1,50 € par litre. Si le prix de l'électricité est de 150 €/MWh, le coût de production est de 1,84 € par litre.
  - Si le prix de l'électricité est de 20 €/MWh (pendant les saisons où la consommation d'électricité est relativement basse), le coût de production est de 0,7 €/MWh. Si les installations ne travaillent que la moitié du temps, leur amortissement coûte deux fois plus cher : le coût est alors de 0,89 € par litre. Si l'électricité est vendue au coût marginal du nucléaire, soit 10 €/MWh et si les installations tournent le tiers du temps, le coût est de 1,02 € par litre.
  - Si la biomasse est à 30 €/MWh (au lieu de 25) et l'électricité à 55 €/MWh, le coût passe de 0,98 € par litre à 1,02 €/l.

- Si la capacité est deux fois plus grande, le coût passe de  0,98 €/MWh à 0,96 €/MWh.

- Si le taux d'intérêt est de 4% au lieu de 8 %, le coût de production passe de 0,98 € par litre à 0,91 € par litre.

- Si l'investissement est supérieure de 20 % à ce qui est prévu, le coût de production passe de 0,98 €/l à 1,02 €/l.

Ces indications montrent que le facteur de coût le plus sensible est le prix de l'électricité. Puis vient le coût du financement.

Utiliser l'électricité seulement dans les périodes de faible consommation d'électricité ?
Il est intéressant de produire ne serait-ce que la moitié du temps pour consommer de l'électricité disponible pendant les périodes de faible consommation.

Si l'électricité est "renouvelable", le coût de production de biocarburant est deux fois plus élevé
Une électricité renouvelable produite par des éoliennes sur terre, des éoliennes en mer et du photovoltaïque coûterait en  moyenne (y compris le coût de l'intermittence) 160 €/MWh au lieu de 55 €/MWh. Le coût de production du biocarburant serait alors doublé.

Produire sans apport de chaleur ni d'hydrogène ?
Pour produire du biocarburant sans apport d'hydrogène ni de chaleur, l'investissement serait moindre, le rendement masse également (seulement  18 % au lieu de 50 %). Le coût de production serait de 1,03 € par litre. La production serait donc un peu plus chère qu'avec de l'électricité nucléaire mais trois fois moins abondante.

Produire du biocarburant avec de l'hydrogène produit à partir de gaz naturel ?
Ce serait la méthode la moins coûteuse si l'on ne comptait pas le coût des émissions de CO2 : 0,85 € par litre si le prix du gaz naturel est 30 €/MWh. Le rendement masse ne serait pas mauvais mais la consommation de gaz naturel serait de 7 kWh par litre de biocarburant. Dans un programme de forte diminution des émissions de CO2, en supposant que la capacité nucléaire augmente suffisamment, le prix de gros du gaz naturel rendu chez le consommateur serait de 60 €/MWh soit 30 €/MWh de plus ou 3 c€/kWh, ce qui se traduirait par une augmentation du coût du biocarburant de 0,2 € par litre. Le coût passerait donc à 1,05 € par litre. Si la capacité nucléaire n'augmente pas ou diminue, pour diviser par trois les émissions de CO2, il faudra que le prix du gaz soit plus élevé : 100 €/MWh sans doute. Le coût du biocarburant serait alors de 1,35 € par litre.

La solution la moins coûteuse : avec de l'hydrogène produit par électrolyse en été et à partir de méthane en hiver ?
Il se pourrait que la solution la moins coûteuse soit de produire du biocarburant avec apport d'hydrogène (ce qui permettrait de bien utiliser la biomasse et les équipements), l'hydrogène étant produit par électrolyse hors saison de chauffe et à partir de gaz naturel pendant la saison de chauffe.